C'est le plus intelligent des deux qui cède...

Publié le par Catherine Kaeffer. Alpha & Oméga

C’était une grande jument pur-sang grise, maigre, le poil piqué…

Sa propriétaire m’avait appelé à la rescousse : " elle est folle "…

Et pourtant, l’impression dominante que j’ai eue quand je l’ai vue est qu’elle était triste.

Alors, je me suis fait raconter toute l’histoire :

Dans le pré, elle travaillait correctement.

Par contre, elle refusait obstinément de partir en promenade. Bizarre, vous avez dit bizarre ?

A la sortie du pré, elle se cabrait, faisait demi-tour, était intenable. Bref, sa cavalière, une jeune fille de 14 ans, n’arrivait plus à la contrôler et se faisait ramener au pré.

J’ai toujours été sécurité, sécurité… un os cassé marche moins bien qu’en un seul morceau…

Alors la première fois, j’ai suivi tout le rituel, bien pépère : pansage, monte à l’intérieur du pré, trois allures, petites voltes… pas génial mais de la bonne volonté.

Et puis, on est sorti en main. La jument était méfiante mais se laissait faire.

La deuxième fois, rebelote : pansage, détente au pré et tout et tout.

Puis tentative de sortie montée.

Et alors là, j’ai eu le droit à tout le catalogue : reculer, demi-tour, cabrer…

Tout le catalogue mais avec une sorte de lassitude, une sorte de refus découragé. C’était vraiment très étrange.

Pendant 15 minutes, elle a tout essayé et pendant 15 minutes je l’ai ramenée devant l’entrée, inlassablement, sans me fâcher. Je ne la comprenais pas mais j’avais le sentiment qu’elle essayait de me dire quelque chose et que lui rentrer dedans ne résoudrait pas le problème.

Finalement, elle a poussé un grand soupir et elle s’est dirigée vers la sortie.

On a fait une très longue promenade et j’ai tout testé : les routes, les voitures, les camions, les fossés, l’eau, les plaques d’égout et même les vitrines des magasins… elle n’avait peur de rien.

Alors j’ai essayé les allures vives pour voir si elle chauffait. Elle est restée calme.

J’ai mis pied à terre, je suis remontée, je l’ai laissé brouter.

Je l’ai même utilisée pour aller cueillir des mûres, celles qui sont tout en haut et qu’on ne peut pas attraper sans être à cheval. Elle a eu un peu peur au début de s’approcher si près des épines, mais elle a obéit, s’est laissée guider et est restée sage près du buisson… une mûre pour elle, une pour moi.

Je n’y comprenais rien.

Quelques jours plus tard, je suis revenue bien décidée à comprendre le fin mot de l’histoire.

Je me suis dirigée vers le pré avec sa cavalière habituelle.

Elle était tout au fond. Elle a levé la tête et est venue me voir au petit trot.

C’est alors que j’ai entendu :

" C’est dégeulasse, moi quand j’arrive avec la bouffe, elle attend au fond du pré jusqu’à ce que je sois repartie, pour aller manger sa ration ! "

" Quoi ? Elle ne vient pas te voir ? "

" Jamais. "

Vous trouvez ça normal vous ? Une jument qui ne vient pas voir la personne qui la nourrit ?

Pas moi.

Un coup de brosse, seller, brider et hop direction dehors.

Et voilà t’y pas que la jument se dirige d’un pas alerte vers la sortie et entame sa ballade avec détermination.

Pas de cabrer, pas de reculer, même pas une hésitation. Joyeuse de sortir.

Soufflée, j’étais soufflée.

Alors la fois suivante, je demande à sa cavalière de la monter pour que je comprenne quelque chose.

La jument hésite à sortir mais comme j’accompagnais à pied, elle se laisse faire.

Aucun problème dehors. Alors j’entame une discussion avec la cavalière :

" Quand tu es toute seule avec elle, ça se passe comme ça ? "

" Oui… enfin je fais surtout du trot et du galop. Presque pas de pas. "

" Et tu galopes où parce que je n’ai pas vu beaucoup de jolis chemins ? "

" Oh non, je ne prends pas les chemins… je préfère galoper sur les routes. "

" Sur le bas-côté ? "

" Non, sur le macadam. "

" Et sur une heure, tu trottes et tu galopes combien de temps ? "

" Oh, je fais peut-être 5 minutes de pas, 10 minutes de trot et le reste du temps, je galope. "

Ce n’était pas vraiment étonnant que la jument ne veuille plus aller en ballade avec elle !

Quand je lui ai expliqué que sur une heure il fallait au minimum 30 minutes de pas et au grand maximum 5 minutes de galop sur terrain souple (sachant que la jument n’avait aucun entraînement), elle est tombée des nues.

Mais je ne suis pas sûre qu’elle a changé sa façon de faire !

J’ai proposé d’augmenter la ration de la jument pour qu’elle reprenne un peu d’état.

J’ai eu un refus accompagné de cette raison péremptoire : " Sinon, je n’arrive plus à tenir dessus ! " Ben voyons !

Alors quand elle m’a demandé d’apprendre à la jument à monter dans un camion pour aller en concours le dimanche et faire 2-3 épreuves alors qu’elle n’envisageait pas de la faire travailler dans la semaine ni d’augmenter la ration d’ailleurs… J’ai refusé.

Tant que la jument refusait de monter dans le camion, cela limitait les risques de la tarer.

Pour réussir, il fallait que la cavalière apprenne à se comporter avec la jument.

Finalement, il est parfois plus facile de faire changer le cheval que le cavalier…

Oui, j’entends les mauvaises langues : " c’est le plus intelligent des deux qui cède ! "

Il y a parfois de ça…

Catherine Kaeffer

Découvrez le guide Améliorez, Comprenez, Testez votre relation réalisé par TE.
Pour commander l'ensemble de nos publications, utilisez notre bon de commande

La garantie de l'expertise, le choix de l'indépendance

Cheval. Techniques d'élevage. Tous droits réservés

Cheval. Techniques d'élevage. Tous droits réservés

Publié dans Anecdote

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :