Le but d’un apprentissage : application de la théorie
Maintenant que vous connaissez les étapes des apprentissages, passons à leurs implications dans quelques cas pratiques.
Tout apprentissage commence à l’étape terre, qu’on le veuille ou non et quel que soit notre stade par ailleurs.
Cela veut dire que quel que soit votre niveau dans un domaine, dès que vous en changez, vous revenez à la terre. Et même si votre expérience peut vous permettre d’évoluer plus vite sur ce nouvel apprentissage (ce qui n’est pas sûr parce qu’il peut se trouver en contradiction avec un apprentissage précédent), vous partez toujours de la terre.
C’est le jeune cheval qui a compris quelque chose à main droite. Il est normal qu’on ait le sentiment de régresser quand on change de main.
Votre chien connaît un ordre dans un contexte. Vous changez de contexte, vous devez vous attendre à revenir au stade terre. Ce n’est que lorsque vous aurez vécu ensemble toutes sortes de contextes que l’ordre sera acquis hors contexte. Mais passez à un nouvel ordre et vous reviendrez encore une fois à la terre.
Votre cheval a été débourré en attelage, en course. Vous le mettez en centre équestre, il faudra reprendre tout à la base. Cela surprend beaucoup de propriétaires qui achètent des réformés de course.
Vous êtes un cavalier émérite, vous brillez dans les concours. Dans ce contexte, vous êtes au stade vent… Vous passez à la longe… vous voilà revenu à la terre.
Vous avez l’habitude des chevaux adultes. Vous vous retrouvez soudainement devant un jeune poulain… vous passez au stade terre et comme lui aussi y est, il va vous falloir être encore plus circonspect.
C’est valable pour toute nouvelle activité mais aussi pour tout changement de méthode.
Et à chaque fois, les gestes se font plus mécaniques. On tâtonne. On écoute les conseils. On essaie de faire ce qu’on nous dit mais on ne voit pas bien. On a perdu ses repères.
Cela veut dire aussi que lorsqu’on apprend quelque chose à quelqu’un, il faut lui donner des consignes claires et simples puisqu’il devra y penser et les appliquer et que lui est au stade terre. Donc on est obligé de schématiser pour que ce soit simplement possible pour lui… quitte lorsqu’il a évolué à complètement abandonner la méthode.
Rappelez-vous les premières fois que vous avez conduit une voiture. Il y avait tellement de choses à penser et à faire que vous vous êtes peut-être demandé comment les autres faisaient pour tenir une conversation en même temps… et aujourd’hui, vous le faites sans problème.
La plupart des cavaliers ont appris un jour que pour faire avancer son cheval il fallait donner un coup de talon… et ne le font plus depuis des lustres… mais peuvent l’enseigner quand même.
Il n’est donc pas contradictoire, même si cela pourrait le paraître, que le moniteur lorsqu’il reprend un cheval ne fasse pas forcément exactement ce qu’il a dit de faire à ses élèves.
Certains exercices préparatoires à un mouvement ne seront plus jamais utilisés une fois le mouvement intégré.
Cela pose des problèmes pour la diffusion de nouvelles méthodes.
Dans le meilleur des cas, le précurseur de la méthode est quelqu’un qui a parcouru toutes ces étapes et qui est arrivé à force de travail à l’étape vent où il sent ce qu’il doit faire. Cela ne veut pas dire qu’il a conscience de tout ce qu’il fait. Il le fait, c’est tout.
Pour transmettre, il doit expliquer puisque son interlocuteur par définition est à l’étape terre. Il doit donc le mettre en mots, en forme, en logique, le simplifier et le schématiser. Faire d’une sensation, une méthode.
Si la personne a qui il l’explique prend le temps pour faire sa propre évolution, il y a toutes les chances qu’elle mette au point sa méthode, largement inspirée de celle du précurseur mais aussi de toutes ses expériences et de sa personnalité.
Mais si elle ne prend pas ce temps, elle ne pourra transmettre elle-même que ce qu’elle a compris, souvent au mieux au stade eau.
C’est pour cela que certaines méthodes meurent avec celui qui les a mises au point.
C’est pour cela que d’autres connaissent un grand succès de mode en aboutissant à des pratiques qui n’ont plus que l’emballage de commun avec ce que le précurseur faisait. Si la fluidité est parfois encore là, mais pas toujours, le feu et le vent qui faisaient son âme, sont perdus.
Une autre difficulté est qu’une personne au stade vent, surtout si elle y est arrivée toute seule, ne sait finalement pas comment elle fait pour obtenir le résultat. Elle peut donc s’avérer excellente pour faire quelque chose et inapte à l’expliquer à quelqu’un d’autre. Et comme elle n’a pas reçu l’explication théorique de base sous forme de mots mais l’a trouvée sous forme d’expérience, elle aura le plus grand mal à le transmettre en mots.
Que deux personnes qui sont passés sur un point au stade feu ou vent se rencontrent et leurs propos ne seront plus factuels mais imagés. Ils ne parleront pas méthode, dogme, vérité mais sensations, recherche… et doute.
Catherine Kaeffer
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