Mélanomes équins : première partie
Affection courante des équidés et pourtant si méconnue... partons à la découverte des mélanomes chez les chevaux et les poneys : de la cause aux conséquences en passant par les traitements.
Avant de commencer notre périple, il est important de définir le terme « mélanome ».
Car celui-ci n'a pas le même sens, que l'on prenne la définition humaine, la définition animale ou la définition commune. Il existe en effet presque une dizaine de mélanomes avec pronostics, descriptions et causes variables.
Oubliez la définition humaine, chez le cheval ou le poney, les UV ne sont pas une cause de mélanome.
Ici, nous parlerons du syndrome « mélanome ». En d'autres termes, ce que chacun en regardant un cheval va appeler mélanome : des nodules fermes, cutanés, avec le plus souvent une peau pigmentée. Certains peuvent être ulcérés mais ils ne seront en aucun cas verruqueux car dès lors, ce ne serait plus des mélanomes.
Mais c'est quoi un mélanome ? Bénin ou malin ?
Un mélanome, c'est une évolution tumorale d'une cellule responsable de la pigmentation, un mélanocyte. En d'autres termes, c'est un mélanocyte qui va se diviser en cellules de façon anarchique et plus ou moins rapide, créant une masse de cellules du même type qui se divisent à leur tour.
Cette masse en constante augmentation peut l'être faiblement. Dans ce cas, l'organisme en réponse à cette « invasion extravagante » va envoyer des cellules immunitaires pour tenter de lutter. Ces cellules vont bien sûr augmenter la masse du mélanome mais aussi aider partiellement ou totalement à sa résorption.
Dans un même temps, l'organisme réalise une coque fibreuse pour protéger le reste de l'organisme de ces cellules. C'est cette coque qui donne une consistance ferme aux nodules du mélanome.
Je viens là de vous décrire un mélanome bénin. Autrement dit, une masse solitaire qui ne forme pas d'autres masses et qui s'étend lentement ou qui régresse lentement en fonction de la balance des forces entre l'immunité de l'animal et les cellules tumorales.
Si les cellules tumorales accélèrent leurs divisions, la taille de la masse tumorale augmente alors brutalement et l'organisme n'arrive plus à maintenir sa coque de protection qui se casse. La coque en se fissurant, va rendre accessible les vaisseaux sanguins. Les cellules tumorales vont donc passer dans le sang et voyager à travers l'organisme.
Leur destination ? N'importe où !
Une cellule voyageuse s'arrête, elle passe dans le tissu et va se diviser activement. Elle forme alors une deuxième tumeur identique à la première, un mélanome, que l'on appellera une métastase (une tumeur issue d'une autre tumeur par migration d'une cellule).
Poumon, intestin, foie, rein, cerveau... toutes les zones peuvent être touchées.
Nous avons dans la description ci-dessus, un mélanome malin ou un mélanome métastatique.
Qui peut être touché ?
Chez les équins, les ânes et les mules semblent protégés par leur système immunitaire contre les mélanomes. Leur sérum est d'ailleurs utilisé en recherche thérapeutique humaine pour lutter contre des affections similaires.
Les chevaux et les poneys sont par contre sensibles à ces affections mais pas de façon identique.
Les chevaux et les poneys gris sont en effet prédisposés aux mélanomes. Ils ont davantage de risques d'en faire au cours de leur vie. Cette prédisposition est telle que 80 % des chevaux et poneys gris développent un mélanome.
Mais s'ils sont prédisposés, ils sont aussi mieux protégés que les autres chevaux et poneys. Leur système immunitaire possède en effet une capacité tout à fait singulière de lutter et va enrayer la progression des mélanomes de manière efficace. Le mélanome va donc grossir lentement, la coque résister et le mélanome restera bénin.
Chez les autres chevaux et poneys, les mélanomes sont rares car ils n'y sont pas prédisposés. Mais ils ne sont pas aussi protégés que les chevaux et poneys gris. Du coup, ils luttent souvent moins bien. Les chevaux de robe non grise, comme les poneys, ont, par conséquent, plus souvent des mélanomes à extension rapide, à coques qui se fissurent et donc malins.
« Mais moi mon cheval gris il en a pleins sous la queue... »
Et oui, bénin ne veut pas dire unique et comme les chevaux gris y sont sensibles, ils peuvent en développer plusieurs au même endroit. Le nombre de mélanomes n'est pas un facteur pour diagnostiquer le côté malin ou bénin de l'affection. Par contre, la vitesse d'évolution est un facteur important et permet un diagnostic quasi sûr.
Alors, pourquoi toujours aux mêmes endroits ?
La réponse est encore hypothétique mais il semble que les mélanomes se développent souvent suite à l'apparition d'une zone de peau claire.
Et sous la queue, au niveau du fourreau... que retrouve-t-on en masse ? Des insectes piqueurs !
Ceux-ci vont créer des micro-plaies en grand nombre, des irritations et nécessiter de la part du cheval une reconstitution fréquente de son épiderme... on va voir alors apparaître une quantité importante de micro-zones cicatricielles. Ces zones sont blanches (ou roses) puis se colorent avec la division des mélanocytes. La loi des probabilités fait que si on demande une centaine de divisions, on a plus de risques qu'une seule se passe mal.
Et chez les chevaux gris prédisposés, il y en a forcément une qui ne se passe pas bien !
Et la génétique dans tout ça ?
Il n'a pas été prouvé chez le cheval de prédisposition génétique et les races dites prédisposées sont surtout des races où le gris est à l'honneur. Par contre, on connait chez d'autres espèces des mélanomes génétiques : la dermatofibrose nodulaire chez le berger allemand, la collagénose dermique évolutive chez les porcs nains.
Il est à noter que le caractère malin ou bénin, comme nous l'avons vu, est lié plus à une évolution individuelle qu'à la génétique.
La suite est disponible ici.
A bientôt,
Anne KAEFFER