Pas de pieds, pas de cheval : la pourriture de la fourchette
Nous sommes en fin d’hiver, les chevaux ont passé beaucoup de temps à l’écurie, les prés sont mouillés, l’humidité est constante d’où le grand risque d’observer des pourritures de la fourchette, sur les chevaux sensibles.
La pourriture de la fourchette (parfois appelée fourchette échauffée) est provoquée par un processus de dégénérescence des lacunes latérales et surtout médianes. On la reconnaît par la présence d’une substance noire et nécrosée par laquelle l’infection peut se propager dans les tissus cornés puis dans les chairs vivantes (Spherophorus necrophorus est le germe le plus fréquent).
Elle est conditionnée par : une hygiène insuffisante, des terrains mouillés, des pieds insuffisamment curés, une fourchette ne venant pas au contact avec le sol à la suite d’une ferrure ou d’un parage inadaptés.
Certains chevaux y sont plus sensibles que d’autres du fait d’une corne blanche, d’une fourchette avec des lacunes profondes et peu larges…. Il semble que les races sélectionnées dans des conditions plutôt arides comme les Espagnols ou les Lusitaniens y soient plus sensibles que les races sélectionnées dans des régions humides comme le Camargue par exemple.
La pourriture de la fourchette est facile à diagnostiquer par tout cavalier. Il lui suffit de se rappeler qu’un pied ne doit jamais sentir mauvais quand on le cure. Jamais !
En effet, les lacunes atteintes donnent une quantité anormalement abondante d’exsudations et d’humeurs noirâtres dont l’odeur est repoussante. En les nettoyant, on s’aperçoit qu’elles sont anormalement profondes et elles peuvent même avoir atteint les chairs. Dans ce cas, le cheval sursaute quand on cure et souvent il répugne à donner les pieds, ce qui est d’ailleurs le premier signe de malaise du cheval.
Toute la fourchette est souvent minée et tend à perdre une grande partie de sa substance. Elle part en lambeaux et en dessous peuvent s’accumuler des poches de saletés et de pourriture. Le cheval ne boite souvent pas, par contre il répugne à l’effort et marche sur des œufs surtout en terrain dur ou pierreux.
Remarque : un cheval boite lorsqu’il a mal à un membre. Or dans le cas des fourchettes pourries, ce sont souvent les 4 pieds qui sont atteints. Alors, même s’il souffre, votre cheval ne boitera pas puisqu’il a autant mal aux 4 membres.
Le pronostic est favorable si l’infection est prise à temps. Par contre, si elle a gagné tout le pied, il y a risque de perte de sabot ce qui nécessite l’euthanasie du cheval. C’est dire s’il ne faut jamais négliger un début de pourriture.
Le traitement est relativement simple. Il consiste à corriger l’hygiène pour garder les sabots aussi secs et propres que possible. On peut aussi corriger la ferrure si c’est elle qui est en cause. Le pied doit être curé chaque jour. Il peut être intéressant, si le cheval travaille sur un sable sec par exemple, de curer les pieds avant le travail mais pas après pour que le reste de sable isole le pied du crottin. Evidemment, il faut impérativement curer après un séjour dans un pré boueux.
Il existe de nombreux traitements médicamenteux contre les fourchettes pourries, qui sont plus ou moins efficaces. Adams dans son livre sur les boiteries du cheval évoque un mélange à parts égales de formol et de teinture d’iode ou une solution de sulfapyridine sodique à 10 ou 15 %.
Personnellement, j’ai toujours observé de très bons résultats avec la liqueur de Vilatte dont voici la recette :
Liqueur de Vilatte (soluté d’acétate de cuivre et de zinc)
Sous acétate de plomb liquide 30 g
Sulfate de cuivre 15 g
Sulfate de zinc 15 g
Vinaigre blanc 200 g
Mode opératoire
Pulvériser les sulfates s’il y a lieu
Les dissoudre dans le vinaigre
Ajouter l’acétate de plomb
Il se forme du sulfate de plomb qui précipite et des acétates de cuivre et de zinc
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Utilisation à usage vétérinaire
Source : Catherine Mautrait, Robert Raoult. La préparation : mode d’emploi. les nouvelles recommandations des BPP, toutes les étapes de la préparation, Notions théoriques indispensables, Formules et modes opératoires (officine, sous-traitance et BP). Editions Porphyre. 2009.
Il y a d’autres variantes mais le principe est toujours le même. Vous trouverez dans le commerce des produits " à la liqueur de Villate ". Ils ne sont pas mauvais mais c’est toute la différence que vous avez entre un jus d’orange pressé et une boisson à l’orange !
Attention, c’est un produit dangereux. Certains pharmaciens acceptent de le faire, d’autres demandent une ordonnance du véto. Pas question de vous en siffler un verre au petit déj’. Le plomb, pour ne citer que lui est un toxique qui s’accumule dans l’organisme. Si vous devez l’utiliser régulièrement, il vaut mieux mettre des gants. Pour une utilisation occasionnelle, lavez-vous soigneusement les mains après.
Mode d’emploi : imbiber des cotons que vous enfoncerez dans les fourchettes nettoyées le plus loin possible. Laisser environ 48 heures puis renouveler. Au départ, il faut que le cheval garde les cotons en permanence. Dès qu’une zone est bien propre, on peut espacer un peu jusqu’à 1 fois par semaine. Une fois par mois en préventif si votre cheval est un récidiviste.
Si le cheval est très atteint, cela peut le piquer au moment de la pose des cotons. Pour garder de bonnes relations, vous pouvez faire deux pieds un jour et les deux autres le lendemain afin qu’il puisse soulager un peu les pieds qui ont les cotons neufs. Le produit étant très efficace, cela devrait rapidement ne plus le piquer.
Vous saurez que votre cheval est de nouveau à l’aise dans ses baskets, lorsqu’il se remettra à faire des bonds joyeux en liberté !
Catherine Kaeffer
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