La castration remise en question pour l'étalon ? Et l'âne ?
Que l'on ait un ânon mâle ou un poulain mâle... la question se pose toujours à un moment ou un autre, doit-on castrer ? Et pourtant, elle ne se pose pas dans les mêmes termes.
La première différence ne résulte ni d'un problème de physiologie, d'anatomie ou même de psychologie... du moins pas de psychologie équine.
Car si dans 92 % des cas les propriétaires de poulains mâles font castrer leurs jeunes étalons pour limiter leur nouvelle fougue et contrôler l'agressivité.
Les propriétaires d'ânes effectuent cette démarche à 80 % pour donner à leur compagnon une vie qui lui convienne davantage en le mettant avec ses congénères.
Et cette simple différence de mentalité pose notre première différence majeure dans la méthode de castration car si les étalons, y compris les miniatures et les poneys, sont le plus souvent castrés entre 3 et 4 ans, les ânes le sont entre 7 et 10 ans.
De même, les poulains mâles sont parfois castrés entre 4 et 5 mois, alors que ce n'est même pas envisagé pour la plupart des ânons...
Seulement entre 4 mois et 10 ans, le testicule passe de 60 g à 300 g avec un volume qui triple.
Les vaisseaux sanguins qui irriguent les testicules doublent de diamètre, l'épididyme se développe, grossit, l'innervation se peaufine... bref, l'affaire se complique !
Et en même temps, avec l'âge, le dressage, l'éducation qui se perfectionnent, notre connaissance des réactions aux anesthésiques qui se fait plus précise... l'opération s'en retrouve plus rapide, plus sûre.
De là, on conçoit que les problèmes des uns ne seront pas ceux des autres en dehors de toute comparaison physiologique.
Mais avant de poursuivre notre réflexion, quelques données techniques sur la castration.
Comme il existe plus d'une vingtaine de méthodes, avec des variations parfois anecdotiques, je ne serais pas exhaustive et donnerai ici uniquement les éléments nécessaires à votre réflexion éclairée.
Dans le cadre d'une castration, on peut soit :
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ôter le testicule et le cordon, on suture ou on écrase le cordon,
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écraser le cordon spermatique pour colmater les vaisseaux menant au testicule, on laisse alors le tout se nécroser,
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sectionner le cordon spermatique, laisser le reste en place se nécroser, on peut suturer ou non de chaque côté.
Et tout ça peut se faire sous anesthésie générale ou locale.
Maintenant, reprenons notre réflexion à l'aide de ces nouveaux éléments.
Si on prend le cas d'un poulain, on a un individu peu éduqué, peu dressé... on aura donc tendance à le castrer sous anesthésie générale, alors qu'on ne la maitrise que peu.
De plus, comme il est jeune, le testicule n'est pas encore bien stable au fond de la bourse, donc la castration pourra mener à une remontée des « morceaux » et des fils dans la cavité abdominale.
Le testicule en nécrose a donc tendance à remonter et en l'absence de testicule, c'est le cordon qui va remonter avec l'infection qu'il peut véhiculer.
A l'inverse, les viscères peuvent descendre dans le trou laissé béant.
Vous l'aurez compris, les risques opératoires chez le poulain sont non négligeables. On note jusqu'à 5 % de mortalité lors de cette opération sur des 4-5 mois et 20 % de complications nécessitant des soins complémentaires.
D'un point de vue comportemental et physique, le succès est par contre garantit. Le poulain ne développe pas de comportement mâle, il grandit plus vite, il est plus « équilibré » dans ses masses musculaires.
Mais comme nous l'avons vu, l'étalon est souvent castré entre 3 et 4 ans. A cet âge, le testicule est stable, le dressage est plus aboutit... on a donc plus tendance à faire une castration debout sous sédation. On évite donc la plupart des risques du poulain mais le testicule est plus gros, plus fini, l'étalon a développé son caractère, son physique voire il a saillit et tout ça, cela rajoute des complications possibles.
Ces complications vont du petit œdème local à la boiterie ou aux coliques (par la formation d'adhérences avec le postérieur ou les intestins) et comptent jusqu'à 30 % des castrations pratiquées.
Il faut rajouter à ce chiffre une mortalité de 3 % et un échec de la castration (l'étalon redevient fécondant suite à un mauvais écrasement ou une section qui s'est reconstruite) dans 3 à 5 % des cas.
Enfin, la castration n'a aucun effet sur le changement de comportement dans 20 à 30 % des cas et sur l'agressivité dans 30 à 40 % des cas.
Et si on tient compte du changement d'environnement, on obtient une castration inefficace vis-à-vis de l'agressivité dans 90 % des cas. Ce chiffre n'est valable que dans le cas de l'agressivité vis-à-vis de l'Homme, les agressions envers les autres chevaux sont elles clairement diminuées après castration.
Mais dans tous les cas, ces changements comportementaux pourront chez certains individus (surtout ceux qui ont déjà saillis) se faire attendre jusqu'à 7 mois après l'opération.
Pour les ânes, la castration tardive pose surtout des complications liées à la maturité des testicules. On a chez les ânes jusqu'à 11 % d'échec de castration (l'âne redevient fécondant) et plus de complications graves par rapport à ce qu'on retrouve chez les chevaux.
En effet, chez l'âne, les vaisseaux étant plus gros (car ils sont castrés plus tard), des hémorragies peuvent se déclencher jusqu'à plusieurs jours après l'opération et générer des pertes sanguines pendant des heures allant jusqu'à la mort de l'âne.
Les ligatures seules sont inefficaces chez les ânes car les structures étant plus grosses, la ligature n'écrase pas suffisamment le tissu et le fil se résorbe avant que le testicule ne se nécrose.
Il est à noter chez l'âne que les sarcoïdes ne sont pas diminués par la castration.
Et en général, tous les équidés, quel que soit l'âge de leur castration ou la méthode utilisée ne voit pas s'allonger leur espérance de vie comme on l'a longtemps cru.
A présent, je vous laisse répondre à la question de savoir si vous souhaitez castrer et à quel âge. Car comme nous l'avons vu, chaque âge a ses avantages, ses inconvénients.
Mais, quelle que soit votre décision, il ne faut pas oublier que la castration est bien loin de l'opération de convenance et n'a rien de banale !
A bientôt,
Anne