Il faut bien que jeunesse passe…
Une histoire incroyable relatée dans un article scientifique parlant d’écologie que j’ai lu dans mon jeune temps (c'est-à-dire il y a bien longtemps…) et qui m’a beaucoup marquée.
Le responsable d’un parc naturel africain s’était fait la réflexion qu’il n’y avait pas d’éléphants sur son territoire alors que moins d’un siècle avant, la région en comptait beaucoup. Il décida donc de réintroduire l’éléphant.
Pour cela, il fit appel à un confrère qui avait lui une population d’éléphants pléthorique.
Une règle d’or bien connue en élevage : pour pouvoir obtenir une population stable, il faut que les descendants des animaux introduits soient en âge de se reproduire avant que leurs parents ne soient trop vieux.
Le responsable décida donc d’introduire un troupeau composé exclusivement de jeunes animaux.
Lorsque les éléphants arrivèrent, tout se passa bien. Rapidement, ils firent connaissance de leur nouveau territoire et y trouvèrent les ressources nécessaires.
Quelques temps plus tard, les rangers constatèrent des dégradations anormales de la végétation : des arbres arrachés, cassés…
Et puis un jour, ils découvrirent une scène d’horreur. Un rhinocéros avait été sauvagement tué. Ils pensèrent à des braconniers mais ils n’avaient jamais vu une telle violence, un tel acharnement… de quoi vous glacer les sangs en songeant au martyr de ce pauvre animal. Ils conclurent à l’œuvre d’un détraqué.
Peu de temps après, ils en trouvèrent un autre, dans les mêmes conditions… puis un autre… un autre encore.
Ils décidèrent de se mettre en planque pour découvrir le salaud qui avait fait ça et pour protéger les rhinocéros restants.
Ils virent les éléphants s’approcher d’un rhinocéros, l’entourer et à leur grande surprise, ils se mirent à l’houspiller, à le pousser, le frapper. Le rhinocéros essayait bien de se défendre, de charger, mais les éléphants l’évitaient et repartaient à l’assaut. Finalement, ils tuèrent le rhinocéros et le piétinèrent avec sauvagerie.
Les éléphants étaient devenus des fous dangereux !
La mort dans l’âme, ils se résolurent à les abattre quand ils se rappelèrent que traditionnellement, les troupeaux d’éléphants étaient toujours menés par une vielle femelle. Prêts à tout pour éviter l’abattage, ils demandèrent au parc voisin, s’il pouvait leur en envoyer une.
Quand ils lâchèrent la vénérable mamie au milieu de tous ces loubards, ils eurent le sentiment de l’envoyer au casse-pipe. Mais les jeunes ne l’attaquèrent pas. Elle resta tranquillement, un peu à l’écart du troupeau. Quand les jeunes se livraient à leurs exactions, elle n’intervenait pas. Elle les regardait simplement faire.
Mais petit à petit les jeunes prirent l’habitude de la suivre, de copier ses gestes et les guet-apens contre les rhinocéros cessèrent. Ils arrêtèrent ensuite de casser les arbres pour le plaisir et un an après, ils formaient un troupeau d’éléphants tout ce qu’il y a de respectable et de policé, sous la conduite de la mamie.
Comme les éléphants, nous sommes une espèce où l’enfance est longue, où chaque individu a beaucoup à apprendre au cours de sa vie et donc où la transmission des connaissances et des codes est primordiale.
Mais notre civilisation, contrairement aux civilisations africaines, rejette les personnes âgées et établit les relations sociales par groupe d’âge, les bébés à la crèche, les enfants de 8 ans à l’école primaire, les 12 ans au collège, les 16 ans au lycée, les 20 ans à la fac et ainsi de suite jusqu’aux vieux qu’on envoie en maison de retraite.
Le journal télévisé nous montre régulièrement des scènes de violence ou d’émeutes. Ne pourrait-on pas faire un parallèle avec les éléphants et dire qu’il est urgent que nous retrouvions un équilibre dans les relations entre les générations ? Cela ne résoudrait sûrement pas tout, ce serait trop simple mais j’ai tendance à penser que notre société irait un peu mieux.
Mais ce n’est peut-être que l’opinion d’une maman !
Catherine Kaeffer