Mon cheval est paresseux, feignant… Non peut-être simplement sceptique
C’est un cheval accusé d’être flemmard, cosse. Bref, il rechigne à avancer. Le cavalier se fâche, s’énerve, donne de l’éperon, du talon, de la cravache… rien n’y fait, le cheval renâcle toujours à se déplacer… finalement le cavalier se décourage en disant que le cheval n’est qu’un paresseux dont on ne tirera jamais rien.
C’est dans sa nature, quoi !
Jugement définitif s’il en est et qui peut reléguer le cheval au rôle de " carne pour débutant " pour des années.
Mais pourquoi le fait-il ? C’est ce qu’il faut chercher à tout prix à déterminer.
Il y a évidemment autant de situations que de chevaux. Donc, aucune formule magique, aucun abracadabra. Désolée… Il faut poser des questions au cheval, écouter ses réponses et essayer de se mettre à sa place.
Plus facile à dire qu’à faire !
Prenons l’exemple d’un cheval dressé et connaissant les aides :
Le cheval tourne au pas dans un pré légèrement en pente. Au début de la descente, vous mettez des jambes pour lui demander le trot… et vous n’obtenez rien ou pas grand chose.
Conclusion 1 : le cheval est paresseux puisqu’il refuse de prendre le trot sur un ordre qu’il connaît.
Le tour suivant, vous recommencez mais vous demandez votre départ en début de montée. Le cheval part au trot actif.
Conclusion 2 : le cheval est généreux puisque malgré la montée qui lui demande plus d’efforts, il part à un bon trot.
Évidemment, vu comme ça, c’est absurde. Un cheval ne peut pas être paresseux une minute et généreux la suivante !
En fait, ce cheval est un sceptique. Sa devise pourrait être " Les cavaliers sont des irresponsables notoires et je ne peux donc compter que sur moi. "
Il s’agit d’un pré donc d’un sol un peu irrégulier, en plus en pente, et ce cheval est assez sur les épaules.
En descente, il a peur de buter. Comme il est prudent et d’un caractère affirmé, il néglige l’action de jambe car il pense que ce n’est pas parce que le cavalier lui demande quelque chose que c’est une bonne idée (pour lui)… et sachant qu’il a travaillé en club qui pourrait lui en vouloir ? A ce stade, si vous insistez, cela le confortera dans l’idée que vous n’avez pas trois sous de jugeote.
En montée, il est plus en équilibre. Rassuré, il peut obéir à la demande, ce qu’il fait.
C’est grâce à ce type d’observations qu’on peut, petit à petit, dresser un portait du caractère de ce cheval : peu porté sur le mouvement mais opiniâtre et surtout autonome par rapport à l’homme.
Ce type de caractère, sceptique, a des conséquences sur la façon de travailler avec lui.
Comme ce type de chevaux est souvent peu convaincu par la nouveauté et qu’il a une confiance modérée en l’homme, il faut lui faire découvrir toute innovation au contact d’autres chevaux (si possible).
En outre, il faut la lui faire découvrir " par petits bouts " en lui laissant le temps de se l’approprier si (et seulement si) il la juge bonne pour lui. Par contre, s’il la fait sienne, plus besoin d’intervenir, il fera tout, tout seul (le rêve !).
Pour le convaincre, il faut accepter à la fois son jugement et ses erreurs. Par exemple, en extérieur, en arrivant sur un endroit boueux, vous lui conseillez de se retasser, une foulée, deux foulées… et s’il n’obéit pas, vous le laissez se débrouiller tout seul, se mettre éventuellement (un peu) en difficulté. Puis, dans le plus grand calme, vous réitérez votre conseil… au fond, c’est à lui de voir ce qu’il préfère : passer vite et s’emmêler les pinceaux ou ralentir et passer comme une fleur… si le conseil est bon, il finira par l’adopter et vous aurez gagné une parcelle de confiance et de respect en sus.
Le fait de lui concéder l’autonomie qu’il prendra de toutes façons (de gré ou de force) ne signifie pas abandonner une relation de dominance, tout au contraire. Pas question qu’il vous bouscule, qu’il vous marche sur les pieds ou qu’il vous mordille sans que vous réagissiez de façon ferme… un peu de tenue, que diable !
Avec ce cheval, oubliez le jeu : il le percevra comme de l’excitation primaire lui qui aime travailler lentement et dans le calme.
Un tel cheval est souvent victime d’injustices car dans notre univers dédié à la performance, on exige trop souvent de lui ce qu’il est incapable de faire : être brillant, flatteur, progresser vite, obéir avec le petit doigt sur la couture du pantalon… C’est ainsi qu’on peut se retrouver dans un cercle vicieux qui débouche sur l’impatience du cavalier et sur des réactions de plus en plus vives de ce cheval énergique.
Par contre, au fil du temps, en compagnie d’un cavalier pragmatique et détendu, qui apprécie ce cheval autonome et capable de prendre des initiatives, il deviendra un ami sûr, reconnaissant envers l’homme car il se sentira compris et encouragé.
Cat