Sauver des chevaux de boucherie : la philosophie d’un homme
C’était un type calme, posé. Il avait repris un centre équestre dans un état déplorable et l’avait, petit à petit remonté à la force du poignet.
Il avait surtout des chevaux, nombreux et en parfait état. Il y en avait pour tous les goûts : des grands, des petits… mais ils avaient tous un point commun : ils étaient bien dressés et sûrs. A tel point que régulièrement un cavalier craquait pour l’un deux et l’achetait.
Un jour, il m’a expliqué sa méthode pour avoir de bons chevaux.
Il prenait son van 2 places et il partait direction l’abattoir local.
Là, il regardait les chevaux dans les parcs d’attente. Il fallait faire vite alors il fonctionnait au feeling. Il sélectionnait un cheval puis un autre. Parfois, un des employés de l’abattoir lui en désignait un.
Il choisissait généralement des chevaux en bon état, bien faits, calmes… et parfois, il prenait un cheval qui était tout le contraire de ses critères… tout simplement parce qu’il avait un je ne sais quoi, parce qu’il avait cru lire quelque chose dans son regard le temps d’un éclair.
Il ramenait donc ces deux chevaux chez lui. Il les mettait au box jusqu’au lendemain pour qu’ils s’habituent un peu et dès le lendemain, il les testait pour voir ce qu’ils savaient, quel niveau ils avaient.
Peu importait d’ailleurs leur niveau de départ, il les prenait où ils en étaient et leur établissait à chacun un petit programme de travail quotidien pour leur apprendre leur nouveau métier de cheval de club, dans le calme conformément à sa nature et à ses convictions personnelles.
Au bout d’un mois, il faisait le point : le cheval avait-il progressé ? Etait-il manipulable des cavaliers inexpérimentés, par des enfants ? Pourrait-il physiquement et moralement s’adapter à l’environnement ?
Si la réponse était oui, le cheval restait.
Si la réponse était non, il admettait qu’il s’était trompé dans son choix, le cheval remontait dans le van et retour à la case départ.
Grâce à cette technique, il récupérait une dizaine de chevaux tous les ans.
Il considérait qu’il donnait sa chance à chaque cheval qu’il choisissait. Si celui-ci ne la saisissait pas, il donnait sa chance à un autre. Il pensait qu’il aurait été complètement injuste de condamner un cheval qui aurait pu être heureux chez lui pour en conserver un qui ne pouvait pas s’adapter aux conditions de vie qu’il pouvait lui offrir.
Catherine Kaeffer