Comportement et dressage : désensibiliser, au-delà de la mode
Désensibilisation, un mot à la mode, surtout dans le monde des chevaux. Mais que se cache-t-il derrière ces principes de l'habituation ? Quels intérêts ? Pour quels usages ? Quels inconvénients ?
On désensibilise, on fait passer le cheval sur la bâche plastique, on le fait passer sous des rubans... on parle de confiance, de confort, de sécurité.
Une mode qui n'est pourtant pas nouvelle. La désensibilisation est une des bases de tout dressage et de toute éducation mais elle n'ait qu'une partie infime de celui-ci. Une partie qui, poussée à l'extrême, conduit à la perte de ses atouts.
Alors, la désensibilisation, c'est quoi ? Quels en sont les principes ?
La désensibilisation, c'est la génération d'un stimulus répété en intensité progressivement croissante jusqu'à le rendre habituel, connu et comparable à un stimulus normal pour que celui-ci ne génère plus de peur ou d'inquiétude.
C'est le bruit de l'aspirateur que l'on va faire entendre au chaton d'abord quelques secondes puis quelques minutes, jusqu'à pouvoir enfin faire le ménage.
C'est donc un processus lent, progressif et qui demande une adaptation du comportement animal.
Une désensibilisation doit donc commencer par un stimulus très faible n'entrainant de la part de l'animal qu'une légère appréhension. Ensuite, quand l'animal n'a plus aucune trace de peur, on peut augmenter le stimulus jusqu'à en arriver à une nouvelle légère appréhension... et on continue jusqu'au niveau du stimulus normal.
Une autre condition importante lors de la désensibilisation est de laisser le choix à l'animal d'être en présence ou non du stimulus.
La fuite, l'évitement ou l'attaque contre l'objet de la peur est normal même si avec un peu d'expérience et de connaissances sur le comportement de son animal on peut éviter ces excès en s'arrêtant juste avant.
Mais en début de travail, il peut arriver qu'on commette l'erreur d'aller juste un peu trop loin. Il est alors nécessaire d'arrêter tout stimulus et de rassurer l'animal. On reprend le travail plus tard.
On peut vous promettre la confiance, la connivence ou l'harmonie mais soyons sérieux... la désensibilisation n'apporte rien de plus que ce pour quoi elle est faite : le calme, la tranquillité d'esprit.
L'animal qui ne réagit plus face au drapeau qui claque au vent n'a pas plus confiance en vous qu'avant. Mais il sait que le drapeau claque mais ne l'attaquera pas.
C'est pour cela que la désensibilisation n'a aucunement besoin de votre présence pour se faire et qu'on peut très bien désensibiliser un cheval seul dans son pré, un chien seul à la maison ou un troupeau.
L'intérêt est donc non négligeable face aux animaux nerveux que la désensibilisation va progressivement (si elle est bien menée) rassurer.
Pour les autres, c'est un moyen de progressivement expliquer les choses, dans la sérénité.
C'est donc un outil utile dans le dressage mais cela reste un outil. Il a donc un ou plusieurs usages définis.
L'usage le plus fréquent consiste à désensibiliser au quotidien qui ne touche pas directement l'animal : sonnerie du téléphone, bruit de l'aspirateur, sonnette de la porte, radio, télévision, orage, bruit de la pluie sur le toit, bruit de la machine à traire...
On désensibilise aussi au quotidien qui touche l'animal : brossage, soins divers (coupe des griffes, toilettage, nettoyage des yeux, des oreilles...), présence du collier, espaces restreints...
Bref, on désensibilise pour beaucoup de choses mais pas pour n'importe quoi et quand la mode change un outil en une méthode à part entière on obtient des catastrophes.
Désensibilisation à la chambrière, désensibilisation à la tape, désensibilisation au geste vif, désensibilisation au coup de pied sur le sol, désensibilisation au fait de taper dans ses mains, désensibilisation à la bousculade...
On vous dira : « il ne bouge pas parce qu'il a confiance » mais comme nous l'avons vu plus haut, le principe même de la désensibilisation n'est pas d'obtenir la confiance de l'animal mais son calme face à la situation.
En termes clairs, votre animal ne bouge pas, parce qu'il s'en fout !
Il a appris, grâce à votre désensibilisation rondement menée que cela ne signifiait rien, que ce n'était rien... et en plus que vous approuviez quand il ne réagissait pas.
Du coup, ce n'est pas un coup de chambrière mais 2, 3 voire 10 qu'il vous faudra donner avec force et conviction pour obtenir ensuite une panique.
Une panique qui vous amènera à un seul résultat : la remise en cause de toutes les désensibilisations, de tout ce que l'animal à appris et de votre compétence à enseigner des choses justes. Vous aurez alors tout gagné !
Un autre inconvénient de la désensibilisation, moins connu mais néanmoins redouté par certains dresseurs, c'est le désintéressement complet.
Si vous désensibilisez un animal à une chose, puis à une autre et encore à une autre... vous obtiendrez au bout d'un temps donné, plus ou moins long selon le caractère, un animal désintéressé de la vie. Il va considérer que tout n'est pas digne d'intérêt, que rien ne nécessite qu'il le redoute. Rien, même pas vous.
Ces animaux deviennent alors rapidement des dangers pour eux-mêmes et pour les autres.
C'est pourquoi la désensibilisation devra toujours s'accompagner de sensibilisation. Les exercices ne devront pas avoir pour seul but de désensibiliser et allier les deux.
Un chaton a peur de l'aspirateur. Vous demandez à une personne de le lancer et de l'éteindre instantanément, vous êtes à côté du chaton et quand celui-ci a peur vous le rassurez d'une caresse. Petit à petit, vous augmentez le temps d'aspirateur mais vous rassurez l'animal de plus en plus discrètement : vous sensibilisez à la caresse légère ou au sourire mais vous désensibilisez à l'aspirateur. Vous alliez les deux.
Enfin, j'aimerai conclure cet article sur une mise en garde : ne perdez jamais de vue toutes les conséquences de votre éducation ou de votre dressage quel qu'il soit s'il est un succès et s'il est un échec... c'est seulement ainsi que vous pourrez dresser et éduquer votre animal avec justesse.
A bientôt,
Anne