Le stress du sevrage : pas seulement un problème psychologique

Publié le par Catherine Kaeffer. Alpha & Oméga

Le sevrage constitue une étape capitale dans le vie du jeune. Il correspond à la séparation d’avec la mère et à la suppression de toute alimentation lactée liquide.

Chez les animaux de compagnie à l’inverse des animaux de rente, on a tendance à porter plus d’attention à l’aspect psychologique du sevrage. A la séparation de la mère qui perturbe le jeune, on peut ajouter parfois, le changement de lieu qui stresse ou le regroupement avec d’autres jeunes qui induit des combats plus ou moins violents pour établir une nouvelle hiérarchie.

Généralement, les propriétaires font le maximum pour limiter cette source de stress en laissant le ou les jeunes dans un milieu qu’ils connaissent bien et en éloignant plutôt la mère, mais ce n’est pas toujours possible. La présence d’un autre adulte connu et bienveillant est un facteur tranquillisant.

Évidemment, si le jeune est mature et qu’il a déjà tendance à s’éloigner de sa mère pour tisser d’autres liens sociaux, la séparation est vécue moins douloureusement.

On pense moins au stress nutritionnel qu’occasionne le sevrage. En effet, du jour au lendemain, il y a arrêt de l’alimentation lactée ce qui correspond forcément à une restriction souvent passagère mais sévère de l’apport alimentaire qui complique encore les effets du stress qui peuvent dans certains cas être intenses.

Pour donner un exemple, le poulain de selle à 6 mois tête encore ses 10 litres de lait par jour. Il va donc du jour au lendemain devoir compenser une perte d’énergie brute de l’ordre de 5000 à 6000 kcal/j. Il devra considérablement augmenter sa consommation d’aliment et de façon très rapide… et donc ses capacités digestives à proportion.

On peut aussi noter une phase de déshydratation passagère due à l’adaptation du réflexe d’abreuvement, la quantité d’eau ingérée par le lait devant être compensée par l’eau de boisson.

Il est donc compréhensible que dans tous les cas, le sevrage se traduise par un arrêt momentané de la croissance. Il peut être à peine perceptible si le sevrage a lieu de façon tardive et adaptée à l’espèce. Il peut être catastrophique et avoir des conséquences définitives en cas de sevrage jeune, de non-préparation du sevrage, d’alimentation inadaptée en post sevrage et de stress « inutiles » (bagarres, froid, infection, parasitisme, transport, vente, changement de milieu microbien, manipulations, dressage…) qui ont un impact nutritionnel.

Pour faire cette augmentation d’ingestion, le jeune va mettre au moins une dizaine de jours s’il reçoit un aliment adapté à son âge et s’il a pris l’habitude de consommer cet aliment avant le sevrage. Sinon, la transition pourra prendre 3 semaines à 1 mois.

Pendant ce temps, le jeune mobilisera ses réserves lipidiques et augmentera sa néoglucogenèse. Si ses réserves sont insuffisantes au moment du sevrage, comme c’est le cas si la mère est mauvaise laitière (et à fortiori, si le sevrage a lieu prématurément pour agalactie), il peut y avoir des séquelles durables, tant physiques que sur le développement cérébral.

Si en post sevrage, le jeune se voit offrir un aliment inadapté à ses capacités digestives, le ralentissement de la croissance se prolongera et dans certains cas la croissance ne repartira que très lentement et très tardivement.

A titre d’exemple, un poulain sevré à 6 mois est très loin des données de l’espèce où le sevrage naturel a lieu entre 11 et 18 voire 24 mois. S’il est alimenté avec un aliment « poulain de moins de 1 an » contenant des protéines lactées, auquel il a été habitué avant le sevrage, il marquera un léger ralentissement de croissance en post sevrage qui sera compensé par une croissance compensatrice dans les mois qui suivront... et l’affaire sera jouée.

S’il reçoit un aliment pour cheval adulte, cela correspondra pour lui à une perte de qualité et de quantité de protéines puisqu’il n’a plus le lait. La croissance sera alors arrêtée et mettra plusieurs semaines à repartir.

S’il est nourri au foin ou à l’herbe exclusivement, la situation est encore moins bonne puisqu’il n’a pas encore les capacités digestives (microbiennes) pour la digestion de la cellulose. Or, le foin contient environ 33 % de cellulose brute. Il profitera donc peu du foin et notamment il ne pourra pas accéder au contenu nutritif intra cellulaire. Cela correspond à une restriction énergétique et protéique sévère associée à une diminution drastique de l’apport minéral et vitaminique.

Dans cette situation, le poulain ne marquera pas les premières semaines puisqu’il pourra mobiliser ses réserves. Cela commencera à se voir environ 1 mois après, où il évoluera avec un gros ventre et un poil piqué. Les premiers tissus à être touchés seront les muscles, puis les os et le tube digestif en dernier. Toutefois, sur ces poulains, toute réalimentation devra être progressive et respecter un temps de transition d’au moins 2 à 3 semaines.

A ce stade la croissance est arrêtée et elle ne reprendra de façon correcte que lorsque la ration s’améliorera ou que le poulain petit à petit acquerra les capacités digestives d’un adulte soit vers 18 mois.

Logiquement, plus le jeune est destiné à devenir un adulte de grande taille, plus sa croissance normale sera rapide et donc ses besoins de croissance élevés. Un jeune de grande taille souffrira donc plus vite, plus intensément et plus longtemps d’un sevrage inadapté.

Alors un sevrage, ce n’est pas une surprise-partie, cela s’organise !

Catherine Kaeffer

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Aliment Poulain. Techniques d'élevage 2014. Image soumise à droits d'auteur

Aliment Poulain. Techniques d'élevage 2014. Image soumise à droits d'auteur

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