Rencontres animalières et méthodes d'approche
« Approchez-vous, il n'est pas méchant. » C'est vrai qu'il a l'air sympathique mais comment expliquer à ce propriétaire qu'il ne faut pas avancer, qu'il faut conserver cette distance...
Aller droit au but, aller à l'essentiel, ne pas perdre de temps... ces préceptes sont tellement ancrés en nous qu'il faut une véritable réflexion pour marquer une pause, ne pas s'approcher, laisser venir.
Dès le plus jeune âge, on précipite les choses, on approche les enfants et les animaux, on les fait se rencontrer. On leur dit « il est mignon » et on ne leur inculque pas forcément la prudence...
Une fois adulte, dès qu'une distance est mise, on vous parle de peur, de méfiance... et si nous envisagions les choses autrement.
Cette distance que je mets et que vous mettrez peut-être bientôt avec vos animaux n'en est pas une. Elle fait simplement partie de la phase d'approche. C'est une formalité à remplir, une « patte blanche » à montrer. Avec le temps, cette étape devient un simple « contrôle de routine » visant à vérifier votre identité et il peut même se passer de pause ou se confondre avec le « bonjour » lancé à la va-vite.
On pourrait découper l'approche d'un animal en trois phases. C'est un découpage totalement théorique. Vous pouvez n'avoir que deux de ces phases ou une vingtaine de phases à franchir avant de terminer une approche.
La première phase est l'arrivée. Vous vous avancez vers l'animal, vous en êtes loin et hors de portée question « communication fine ». C'est le moment « d'impression générale ». L'erreur la plus courante à cette phase est de considérer qu'il n'y a pas de « transmission » d'informations. Au contraire, si vous marchez en regardant vos pieds ou la tête haute, les réactions de l'animal seront bien différentes. De même, si vous arrivez avec nonchalance ou en vous pressant.
Profitez de cette phase pour observer l'attitude générale, pour décoder le contexte, pour apprécier l'environnement et ne vous leurrez pas, dès que votre corps sera tourné vers l'animal, il sera que vous venez pour lui. Un atout sur le plan de la communication car vous pouvez dès lors commencer à négocier.
Cette phase est parfois très active et certains animaux commencent déjà à vous intimider ou à se sauver. Sortez, vous aussi, vos premiers arguments en jouant sur votre tonus musculaire, votre vitesse d'approche ou votre façon d'arriver.
La deuxième phase prolonge la première et commence dès que vous êtes assez proche de l'animal pour percevoir la communication « fine » : la respiration, le froncement du museau, l'oreille qui bouge... Cette phase doit se faire à une distance suffisante pour que vous ou l'animal ne soyez pas menacé par l'autre et pour que votre regard englobe l'animal dans son intégralité. Si vous êtes en présence de plusieurs animaux, un troupeau par exemple, la deuxième phase commence quand vous pouvez tout juste englober le troupeau du regard.
Pour une première rencontre ou un animal perdu de vue depuis longtemps, je vous conseille de marquer un temps de pause. Ainsi, vous pourrez « négocier » votre approche avec plus de sérénité.
La communication fine étant visible par les deux parties, la négociation s'engage. Un ronflement, un haussement d'épaule, un cabré, un éclat de voix... on montre nos muscles, on déploie nos idées, on refait le monde...
A l'issue de cet échange, un accord est trouvé et vous signez le contrat en vous rejoignant. Selon la nature du contrat passé, c'est vous, l'animal ou les deux qui feront le « premier pas » et initieront le premier contact.
La plupart des animaux ne vous laisseront pas rentrer en contact sans avoir signé de contrat... mais il existe dans le monde animalier, des animaux domestiques avec qui les humains ont passé un « contrat type » qu'ils ont accepté ou qu'on leur a fait accepter. Ils ne ralentiront alors pas votre progression et vous envahirez leur espace sans prendre le temps de « négocier ».
Un avantage ? Pas forcément. En effet, quand les barrières tombent, on ne sait pas ce qu'il y a derrière et vous vous jetez soit dans la gueule du loup, soit dans un petit paradis. De plus, vous jouez sans connaître les règles et vous pouvez, malencontreusement, vous heurter à un interdit. Or un interdit détecté à bonne distance, c'est gérable et on peut minimiser les réactions animales, mais quand on est au contact... c'est beaucoup plus « sportif ».
Cette situation peut aussi se rencontrer avec des animaux qui n'ont pas appris les codes de leur espèce (jeunes animaux, problèmes au sevrage...) ou qui ne veulent pas négocier (animal agressif).
La pause en deuxième phase est donc essentielle pour comprendre les motivations de l'animal, ses revendications et entamer le dialogue.
Avec certains animaux cette deuxième phase peut durer des heures et nécessiter de nombreux « rendez-vous » avec l'animal. Prenez le temps de ne pas bâcler le travail, il en va de votre future relation.
Si vous ne pouvez pas rentrer sans contrat dans l'univers d'un animal, il ne doit pas le faire non plus. C'est ce qui est sous-entendu dans beaucoup de méthodes qui parlent alors de « respect ». Le problème de ce mot, c'est qu'il sert à beaucoup de définitions et que dans ce contexte, il est souvent mal défini.
Ainsi, on ne devrait pas entendre « respect pour l'humain » mais « respect du contrat passé avec l'humain ». Cette simple nuance sémantique change tout. En effet, si l'animal ne respecte pas un contrat, il faut soit le redéfinir, soit rappeler l'animal à ses devoirs. On instaure donc une distance entre l'animal et l'humain pour repasser en phase 2 et renégocier le contrat. Ce qui sous-entend qu'on est capable de comprendre ce que dit l'animal, de l'accepter et de pratiquer une négociation en toute diplomatie.
Cela veut dire aussi qu'on ne peut pas exiger un animal « statique » en phase de négociation, par exemple, juste après avoir mis de la distance. Au contraire, l'animal va « lâcher » ce qu'il a sur le cœur et « exploser » selon sa nature.
L'approche n'est donc pas tant une affaire de distance mais plutôt de contrat. Alors faites bien attention aux « petites lignes » en bas de page... sachez à quoi vous vous engagez.