Sevrage tardif : comment estimer la production de lait de la jument ?

Publié le par Catherine Kaeffer. Editions Alpha et Oméga

La baisse de la production de lait par la jument lors d'un sevrage tardif du poulain (au-delà de 6 mois) entraine une baisse de ses besoins et la nécessité d'une complémentation plus importante pour le poulain. L'estimation de la décroissance de la production laitière est donc indispensable pour adapter les apports nutritionnels. Elle est plus facile à faire en raisonnant sur la jument que sur le poulain qui possèdre la capacité de ralentir sa croissance. 

Vous avez décidé de ne pas sevrer votre poulain à 6 mois mais bien plus tard vers 1 an.

A partir de la naissance les besoins du poulain augmentent de façon régulière.

De l’autre côté, la production laitière de la jument monte jusqu’à 3 mois puis redescend tout doucement au fur et à mesure que la durée de la lactation augmente.

Forcément, à un moment, entre les besoins qui s’accroissent et le lait qui baisse, cela ne suffira plus. On considère que ce moment arrive vers 4 mois. C’est à partir de ce moment qu’une complémentation du poulain est nécessaire.

Jusqu’à 6 mois, on connaît relativement bien la production laitière et on sait à peu près sur quelle quantité de lait on peut compter pour nourrir le poulain. Bien sûr, il y a des juments plus ou moins bonnes laitières mais si l’alimentation suit, les variations entre juments de même gabarit ne sont pas si importantes que cela.

A partir de 6 mois, c’est une autre histoire. La production de lait n’est plus « automatique ». Elle est maintenue par l’impact de la tétée du poulain et par l’acceptation de la mère qui peut allaiter avec plaisir ou « retenir son lait ». Si la stimulation s’arrête, la jument peut se tarir en quelques jours.

Donc entre une paire jument + poulain et une autre, les différences dans la vitesse de décroissance peuvent être énormes entre une jument qui « vire » son poulain de 6 mois qui voudrait bien téter encore un peu et celle qui va l’allaiter jusqu’à 18 mois voire plus en en retirant visiblement du plaisir ou du moins de la sérénité.

Sauf que voilà comment savoir combien votre poulain boit réellement ? Est-ce qu’il tétouille par plaisir et que finalement il a peu ? Est-ce qu’à chaque fois qu’il va à la mamelle, il reçoit une bonne dose de lait ? Mystère…

Et pourtant, vous ne pourrez savoir combien il doit recevoir en sus que si vous avez une idée de la quantité de lait qu’il a déjà.

La première idée qui vient serait d’observer le poulain. Tant qu’il est vif, joueur, c’est que tout va bien. Oui… mais non.

Un poulain est un être forgé par des millénaires d’évolution. Vaches grasses, vaches maigres, il connaît. Il a les moyens de passer l’hiver. Il sait mettre en place des mécanismes d’économie : il ralentit voire il arrête sa croissance. Et vous ne verrez rien car il restera en bon état et pareil à lui-même. Lorsqu’on commence à voir quelque chose, c’est que le mécanisme d’économie ne suffit plus et donc qu’il a déjà nettement tiré dans ses réserves.

Donc vous ne pouvez pas compter sur lui pour savoir si la jument produit encore du lait, un peu, beaucoup, passionnément, à la folie… ou pas du tout.

Il va falloir vous tourner vers la jument.

Le truc consiste à la stabiliser sur une ration de lactation 6ème mois. Donc une ration basse pour une allaitante mais encore très importante par rapport à la jument tarie. Et vous surveillez ses côtes. Elles doivent être perceptibles au toucher.

Si la jument ne prend pas de poids, c’est que vous êtes sur une production laitière qui se maintient.

Si la jument s’engraisse avec sa ration 6ème mois, c’est que ses besoins ont diminué. Donc que la production laitière aussi. Vous diminuez la ration d’environ 10-20 % et vous surveillez l’évolution. Si vous voulez faire dans la finesse, vous diminuez nettement les apports en énergie mais peu les apports protéiques, minéraux et vitaminiques. Comme cela vous maintenez le capital musculaire et osseux de la jument, vous ne provoquez pas par votre action la baisse de la production de lait (ce qui irait à l’encontre du but recherché) et vous évitez l’accumulation de graisse.

Vous pouvez ainsi piloter la descente de vos apports avec un retard d’environ 1 mois par rapport à la production réelle de lait qui n’oublions pas continuera à évoluer alors que si vous suivez le poulain, vos constatations se feront avec 3 à 6 mois de retard.

A noter deux points très importants pour ce type de gestion :

Évidemment, la jument est vide. Il est hors de question de faire cette conduite sur une jument pleine pour l’année suivante parce que dans ce cas vous ne respecteriez pas le temps de tarissement totalement indispensable si vous ne souhaitez pas dégrader en profondeur l’état de santé de la jument. Donc sur une jument pleine pour l’année d’après, le sevrage 6 mois est indispensable.

Cela suppose que la jument arrive à 6 mois de lactation avec un état corporel correct, équivalent à celui qu’elle avait à la saillie. Une jument qui arrive à 6 mois de lactation, maigre, démusclée, avec un dos en baignoire et un ventre de bibendum, on sèvre et on retape la jument. Prolonger la lactation, ce serait prolonger cette situation et donc aggraver les dégâts au niveau osseux et conformation. Par contre, si on a un tout petit manque de graisse, on peut décaler un peu la descente dans les apports alimentaires par rapport à la descente de la production laitière pour récupérer. Mais c’est le maximum qu’on puisse faire sans sevrer.

Catherine Kaeffer

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La garantie de l'expertise, le choix de l'indépendance
MAJ Novembre 2021

Mamelle d'une jument allaitante. Techniques d'élevage (R) Tous droits réservés

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