Réalimenter un cheval dénutri : la quadrature du cercle
On rencontre régulièrement, notamment dans les associations, des chevaux dénutris. Leur état d’extrême maigreur fait peine à voir et leur venir en aide semble une évidence.
Ce sont des chevaux qui sont souvent arrivés à ce point parce qu’on ne leur donnait pas à manger. On se dit donc qu’il suffit de les remettre dans des conditions d’alimentation normales pour qu’ils récupèrent.
Malheureusement, ce n’est pas toujours le cas et certains ne peuvent être sauvés malgré tous les efforts de leurs sauveteurs.
Pour augmenter les chances de réussite d’une réalimentation, il faut comprendre le drame (il n’y a pas d’autre mot) qui se joue à l’intérieur du cheval.
Un cheval dénutri a consommé sa graisse, c’est une évidence. Il apparaît avec des creux marqués entre chaque côte, deux dépressions de part et d’autre de la colonne vertébrale, là où on devrait avoir les muscles dorsaux. On a aussi une disparition des muscles de la croupe, de l’encolure etc.
Pour survivre, l’organisme a donc consommé tout ce qui pouvait lui permettre de trouver de l’énergie : la graisse tout d’abord, et les protéines musculaires ensuite.
Fatalement, il a aussi consommé la totalité de sa graisse interne mobilisable et puisé des protéines dans ses organes internes. Il a déminéralisé ses os, affaibli ses tendons, tiré sur toutes ses réserves et il s’est mis en mode survie : moins de déplacements, moins de réactions (un cheval à ce niveau n’est quasi jamais agressif), synthèses ralenties au minimum…La question est : jusqu’où a-t-il été obligé d’aller pour être encore vivant aujourd’hui ? Quels dommages a-t-il été contraint d’imposer aux organes ? Qu’est-ce qu’il lui reste pour survivre comme marge de manœuvre ?
Parce que réalimenter c’est apporter de l’énergie via les aliments. Cela veut donc dire que l’organisme va devoir digérer et métaboliser. Dans un premier temps, cela va donc être une dépense supplémentaire pour lui. Ce n’est que dans un second temps, que le gain arrivera pour non seulement combler cette dépense mais lui apporter un bénéfice.
Pour faire une comparaison, vous allez chez le médecin et vous achetez les médicaments. Vous avancez l’argent aujourd’hui. Vous serez remboursé demain et au final vous serez en meilleure santé… mais pour pouvoir vous soigner, vous devez pouvoir avancer l’argent.
Bon, il y a tout de même quelques différences. Il est parfois possible de ne pas avancer l’argent. Et surtout, je n’ai jamais vu la sécu rembourser plus que je n’ai avancé ! Alors que dans le cas de notre cheval, il va finalement recevoir nettement plus que ce qu’il a investi.
Mais il va donc devoir investir pour digérer. Il va devoir refaire un tube digestif, produire des enzymes. Or un tube digestif, ce sont des protéines. Les enzymes, ce sont des protéines. Et pour fabriquer tout cela, il va falloir de l’énergie. Il faut donc pour que l’affaire soit jouable, qu’il reste dans l’organisme une toute petite marge de sécurité, infime peut-être mais suffisante pour pouvoir relancer la machine.
Et puis si le cheval est dénutri, cela signifie aussi que les bactéries de son tube digestif le sont aussi.
Tube digestif atrophié = mauvais péristaltisme c’est-à-dire des contractions des muscles intestinaux insuffisantes pour faire progresser les aliments d’un bout à l’autre du « tuyau » = augmentation du risque de coliques d’obstruction.
Enzymes insuffisantes = mauvaise absorption des protéines, des graisses et des amidons.
Flore du tube digestif en mauvais état = mauvaise digestion de la cellulose = augmentation du risque de bouchons et moindre récupération de l’énergie des fourrages.
Si on a été trop loin avec un tube digestif complètement atone, une flore quasi absente, les chances de relever le cheval sont très faibles. Sinon, la digestion reste possible et donc le cheval va petit à petit se remettre.
On pourrait penser que l’affaire est faite et qu’on a réussi.
On peut cependant avoir quelques temps plus tard une très mauvaise surprise dont voici le mécanisme.
Le tube digestif fonctionne normalement. Le cheval reprend de l’état. Cela signifie donc que l’organisme est en train de se réparer. Mais les dégâts sont à tous les niveaux, plus ou moins importants, mais surtout plus ou moins visibles. Tous les systèmes sont touchés. En quelque sorte, l’organisme entreprend des grands travaux pour rénover tant bien que mal une véritable ruine.
Mais on le sait tous, plus le chantier est grand, plus il peut y avoir d’accidents. Ce qui tenait encore lorsque la machine tournait au ralenti peut ne pas supporter cette accélération.
Si en plus, vous avez des besoins supérieurs à la normale, parce qu’il s’agit d’un jeune cheval, d’une jument gestante ou allaitante, forcément l’accélération sera plus brutale et les chances que cela se termine mal plus importantes.
Cela expliquer les morts subites alors que tout semblait aller pour le mieux : un système n’a pas été encore réparé (ou n’a pas pu l’être) et n’arrive pas à suivre le rythme du reste. Le cœur flanche, le tendon cède parce que la croissance a repris, le vaisseau éclate.
Catherine Kaeffer
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