De la mamelle à la mangeoire, l’évolution du tube digestif du poulain entre 24 heures et 18 mois
Comment évolue le tube digestif d'un poulain et quels impacts sur son alimentation. Techniques d'élevage fait le point.
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Le poulain avant sevrage
Après ces 24 premières heures plutôt tumultueuses, un équilibre se met progressivement en place. La composition de la sécrétion mammaire est déjà, 24 heures après la naissance, très voisine de celle du lait.
Par la suite, les changements de composition du lait suivent les besoins nutritionnels du foal en croissance et les facteurs trophiques et protecteurs qu’il contient contribuent à l’évolution de l’appareil digestif.
L’estomac est très important chez le poulain tant sur le plan fonctionnel que sur le plan anatomique. Rapidement après la naissance, il s’acidifie. Le lait ayant un effet tampon, le pH gastrique augmente lors de la première tétée. Mais, au contraire, si le poulain reste couché et ne tète pas au bout de 20 minutes, le pH gastrique commence à descendre. A 24 heures, il est le plus souvent supérieur à 4. Il descend progressivement ensuite pour devenir inférieur à 2, à une semaine.
Cette sécrétion d’acide chlorhydrique gastrique est stimulée principalement par l’histamine mais aussi la gastrine qui agit en outre sur les secrétions pancréatiques et l’acétylcholine via le système vagal. Cette acidification de l’estomac participe au caillage du lait mais est aussi un facteur de protection pour l’animal.
Dans les deux premières semaines, l’épithélium squameux gastrique présente une augmentation de volume rapide avec à la fois une augmentation du nombre de couches de cellules et un épaississement des couches kératinisées. Cette hyperplasie de la muqueuse peut s’expliquer par une mise en contact avec un environnement acide et l’effet de facteurs de croissance contenus dans le lait.
L’intestin grêle a quasiment sa longueur définitive dès quatre semaines de vie. Parallèlement à celle de l’estomac, sa muqueuse se développe progressivement notamment sous l’action d’hormones, comme les hormones thyroïdiennes et du cortex de la surrénale, des facteurs trophiques contenus dans le lait et des peptides produits de la muqueuse intestinale.
L’activité de la lactase se maintient permettant la poursuite de l’alimentation lactée. Elle diminuera ensuite progressivement pour atteindre les niveaux observés chez l’adulte mais elle perdurera tout au long de la vie. Par contre, la β-glucosidase, essentielle à la digestion du lactose, est de moins en moins exprimée. De ce fait, le poulain devient progressivement intolérant au lactose en grandissant.
La sécrétion de la sucrase, de la tréhalase et de la maltase augmente pour atteindre un niveau comparable à celui des adultes vers 7 mois illustrant la mise en place progressive des voies de dégradation des constituants des fourrages.
Au fur et à mesure que le poulain grandit, il est donc possible de lui proposer progressivement des aliments complémentaires ou substitutifs du lait contenant ce type de sucres alors que ce n’est pas souhaitable avec de très jeunes poulains.
L’intégrité de la muqueuse gastro-intestinale est indispensable à une bonne digestion. Un lait provenant d’une autre espèce ou non adapté peut l’altérer provoquant ainsi des diarrhées, une mauvaise absorption des nutriments et donc des carences nutritionnelles et un retard de croissance.
Le cæcum et le côlon, quant à eux, occupent une faible proportion du tube digestif du poulain. Ils se développeront progressivement en pré-sevrage mais surtout après le sevrage.
Mais, parallèlement au développement de son capital enzymatique, le tube digestif du poulain, stérile à la naissance, est progressivement colonisé par les nombreuses espèces bactériennes avec lesquelles le poulain entre en contact, via sa mère et son environnement. Cet envahissement permet l’établissement d’une flore cellulolytique nécessaire à la digestion des végétaux.
Jusqu’à l’âge de six semaines, la flore aéro-anaérobie facultative est majoritairement constituée d’entérocoques, puis les lactobacilles deviennent prédominants. On recense également, en moindre proportion, des entérobactéries et des staphylocoques. La flore anaérobie augmente rapidement et se stabilise ensuite au cours des 12 premières semaines de vie. Les bactéries cellulolytiques (qui sont capables de dégrader la cellulose) s’installent rapidement au cours des trois premières semaines alors que le niveau des clostridies est relativement stable.
Le foie diminue proportionnellement pour ne plus représenter que 12 à 14 g/kg de poids vif à 6 mois alors que le tractus gastro-intestinal augmente pour atteindre 60 g/kg de poids vif.
L’évolution de la fonction digestive se fait également par la consommation croissante d’aliments solides. Le poulain les introduit progressivement dans son régime, d’abord pour imiter sa mère, puis pour couvrir ses besoins nutritionnels.
L’introduction de chaque nouvel aliment demande une adaptation de la part du système digestif. Il est donc essentiel de ne le proposer qu’en très petite quantité car l’organisme doit mettre en place de nouvelles voies métaboliques via de nouvelles enzymes. Si la quantité est trop importante, elle débordera les capacités de traitement entraînant des problèmes digestifs ou métaboliques.
Petit à petit, par anticipation, l’organisme produira les enzymes adéquates en plus grand nombre, en vue d’une prochaine digestion, et ainsi de suite jusqu’à pouvoir assumer une ration entière.
De la même façon, la flore microbienne doit s’adapter aux nouveaux aliments. Comme tout au long de la vie du cheval mais de façon plus prononcée à cet âge, il est indispensable de respecter des transitions lentes pour permettre la modification de l’équilibre de la flore microbienne intestinale par la sélection des souches de micro-organismes les mieux adaptés.
Il est donc exclu de faire passer brutalement un poulain d’un régime exclusivement lacté à un régime exclusivement herbivore. Mais dans la pratique, il est rare que ce cas se présente : le poulain vole dans la mangeoire de sa mère, broute au pré, chipe le foin. Cependant, pendant longtemps ces larcins restent symboliques… même s’ils sont indispensables.
Or, la condition sine qua non d’un sevrage réussi est que le poulain puisse ingérer – et digérer – une ration suffisante pour assurer ses besoins de croissance qui sont d’autant plus importants qu’on aura affaire à une race de grande taille, près du sang ou qu’on souhaitera effectuer un débourrage précoce. On l’estime à 1 à 1,5 % du poids vif par jour.
Une complémentation de pré-sevrage, adaptée au poulain, est donc indispensable dans certains cas. Comme elle est couplée à l’allaitement, cela réduit l’impact d’éventuelles erreurs de rationnement et cela permet de compenser d’éventuels déficits dans la ration, notamment minéraux et vitaminiques.
Post sevrage
Si la naissance est un événement cataclysmique, le sevrage a tout à gagner à être progressif au moins sur le plan nutritionnel. Une bonne préparation, un poulain en bonne santé, avec une croissance régulière et un niveau d’ingestion suffisant sont nécessaires pour diminuer voire quasi annuler le choc physique permettant au jeune de mieux supporter le choc psychologique.
Le tube digestif de l’adulte est caractérisé par un estomac réduit où le transit est très rapide et un gros intestin très développé avec un temps de séjour prolongé propice à une activité microbienne intense. La croissance du côlon différée pendant la phase d’allaitement, s’intensifie durant le sevrage et le post sevrage, lorsque l’alimentation devient plus fibreuse et plus volumineuse. C’est l’ultime stade de la transformation du tube digestif vers un état proche de celui de l’adulte.
A noter que le gros intestin se développe surtout à partir de 12-18 mois au cours de la seconde saison de pâturage suivant la naissance. Avant, la capacité de digestion des fourrages grossiers est limitée. Cette observation milite pour une complémentation sérieuse sans être abusive des poulains au cours de leur première année de vie.
Le poulain sevré est en pleine croissance et doit maintenant couvrir la totalité de ses besoins avec une alimentation solide sans le garde-fou du lait.
Conclusion
L’appareil digestif du poulain se transforme donc progressivement, parallèlement à l’évolution de son régime.
L’adéquation entre l’aliment et la fonction digestive à chaque âge de la vie est primordiale.
Le poulain étant un être en évolution rapide, il importe de s’adapter constamment à la nouvelle donne en lui proposant des aliments d’excellente qualité et en introduisant petit à petit des aliments de plus en plus proches de l’alimentation normale mais toujours en commençant par de toutes petites quantités.
Catherine Kaeffer
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MAJ juin 2024