La loi du jeunisme : Sevrer jeune, vendre jeune... mourir jeune ?
Oui, on sait, on la joue provoc, façon ado reb (nous aussi on utilise une crème anti-âge parce que nous le valons bien !). D'ailleurs, on a publié cet article dans la catégorie « les sujets qui fâchent » ! Mais au-delà se pose une vraie question, sérieuse et tout et tout : nos animaux sont sevrés et vendus de plus en plus jeunes. Techniques d'élevage fait le point.
Cela veut dire que le lait maternel, celui qui doit les aider à démarrer dans la vie, ne leur est plus donné que pendant une période courte. A l'état naturel, l'importance de l'apport en lait décroit lentement au fur et à mesure que le jeune se met à manger autre chose. Mais, il persiste sur une longue période pendant laquelle, même s'il ne suffit plus à nourrir le jeune, il lui apporte un complément en protéines de haute qualité, en énergie facilement assimilable, en minéraux etc.
Le jeune doit donc s'adapter de plus en plus vite à une alimentation qui a le plus grand mal à couvrir ses besoins d'autant que la quantité qu'il peut absorber et digérer est très limitée et ses besoins extrêmement importants.
Il lui faut donc une alimentation spécifique, très différente de celle de l'adulte puisqu'elle doit compenser le lait manquant. Elle doit être réfléchie et constamment s'adapter à un animal changeant. C'est une affaire tout à fait gérable par un zootechnicien mais ces particularités sont souvent méconnues des propriétaires pour qui un jeune n'est parfois considéré que comme un adulte en modèle réduit.
Si le jeune, sevré trop tôt, ne reçoit pas cette alimentation, on voit apparaître une dénutrition particulière. Ce type de dénutrition n'est, à notre connaissance, pas décrit dans la littérature vétérinaire. Par contre, il est très bien décrit en médecine humaine.
C'est, en médecine humaine, un kwashiorkor – un quoi ? un kwashiorkor : la « maladie de l'enfant sevré quand son cadet vient de naître », une forme de malnutrition rencontrée chez l'enfant entre 18 mois et 3 ans. Le kwashiorkor est associé à l'abandon prématuré de l'allaitement et à une alimentation pauvre en protéines (ou à une infection). Il peut apparaître même si par ailleurs, l'apport calorique est suffisant (évidemment, si en plus il est insuffisant, cela n'arrange pas les choses !). Les caractéristiques de cette forme sont des œdèmes périphériques et un abdomen ballonné sans présence de liquide...
Sans compter toutes les autres caractéristiques communes aux malnutritions : amaigrissement (os saillants), amincissement ou perte de cheveux (ou de poils), perte d'appétit (cas graves), perte musculaire (diminution des capacités à l'effort, augmentation du temps de transit intestinal, diminution de la réaction pulmonaire, perte musculaire cardiaque...), atrophie des villosités intestinales (réduction des capacités d'absorption des aliments)... STOP ! Arrêtons de dépeindre ce magnifique tableau... Et on respire un bon coup...
Revenons à nos moutons et prenons l'exemple d'un poulain (on ne se refait pas).
Les études de Tyler (1972) montrent qu'à l'état sauvage tantôt le sevrage a lieu vers 1 an donc quelques jours à quelques semaines avant la naissance d'un nouveau poulain, tantôt il est reporté à l'âge de 2 ans si la jument est restée vide.
1 an voire 2 ans !! Et pendant tout ce temps, le poulain reçoit un complément lacté. Cela répond à une question que nous nous étions posée : comment se fait-il que depuis des millénaires des chevaux peuvent grandir uniquement avec de l'herbe alors qu'aujourd'hui on considère que dans la plupart des cas, une complémentation est indispensable ?
C'est tout simple ! Parce qu'il y avait maman derrière !
Prenons le cas d'un poulain sevré dès 5 mois voire moins – un éleveur pas trop consciencieux ou pas trop compétent (au choix) a même récemment proposé de sevrer et de vendre un poulain de 3 mois !
Sur ce type d'animal, dans certains cas, on peut retrouver les signes cliniques des enfants : ventre ballonné, colonne vertébrale saillante, poil terne et hirsute, comportement totalement apathique, perte d'appétit...
Le ventre gonflé peut faire penser à un problème de parasitisme important. C'est d'ailleurs vraisemblable car sur un organisme affaibli, le moindre agent pathogène peut s'installer en toute tranquillité.
Mais le problème est aussi nutritionnel. Chez les enfants, on incrimine un apport insuffisant surtout en lysine, méthionine et tryptophane. Chez le cheval, il y a de grandes chances que l'acide aminé limitant soit la lysine (encore que dans ce cas particulier, les autres ne doivent pas être loin derrière !) C'est pour cela qu'on recommande une concentration en lysine de 0,7 à 0,8 %.
A noter que l'ajout de céréales (76-89 g MADC/kg) ou de pulpes de betteraves (41 g MADC / kg) ne résout pas le problème puisqu'ils apportent surtout de l'énergie.
Il faut donc revenir aux conseils traditionnels :
Le jeune reçoit progressivement après le sevrage du foin, des céréales et du tourteau de soja. Un apport de 2 litres de lait pendant les deux mois suivant le sevrage peut faciliter la transition et atténuer le ralentissement de la croissance dû au stress du sevrage. De même, un aliment composé ou de la poudre de lait peuvent être distribués en complément d'un très bon foin... (Martin-Rosset, 2009)
François et Catherine Kaeffer
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MAJ juillet 2023