Une notion nouvelle, la croissance différée
A chaque âge de la vie, sa phase de croissance ou de sénescence, son état physiologique. Les études scientifiques sur l’élevage et l’alimentation sont toutes basées sur l’animal « normal pour son âge ».
Mais de plus en plus, on trouve des animaux « anormaux pour leur âge ».
Prenons un animal à la naissance. Sa tête, ses membres sont déjà bien développés car ils ont fait l’objet de la première phase de croissance, dont une bonne partie se déroule in utero. Puis on assiste ensuite à des phases de croissance successives qui touchent prioritairement le rachis, puis le bassin, puis le thorax. On peut donc en regardant ce qui est développé et ce qui ne l’est pas encore avoir une idée du stade auquel se trouve l’animal.
Sur un plan visuel, un jeune animal va d’abord prendre en hauteur, puis éclater beaucoup plus tard. Si au moment de cette phase, il n’a pas les conditions adéquates, les cartilages s’ossifieront et l’animal restera un « grand étroit ». Le genre, il fait face en tirant la langue et vous le confondez avec une fermeture éclair.
Les conditions inadéquates peuvent être très diverses : nourriture insuffisante, nourriture suffisante mais mal équilibrée ou inadaptée, gestations précoces, travail intensif, pathologies…
Mais les espèces ont une capacité d’adaptation qui peut nous surprendre. L’animal peut parfois stopper sa croissance, sans ossifier… cela veut dire qu’il peut la reprendre à un âge où théoriquement, tout devrait être fini depuis belle lurette.
On voit de plus en plus souvent ce type de phénomène qui n’est pas décrit dans les livres où naturellement l’animal est supposé avoir été élevé de façon standard.
Un exemple : vous récupérez un cheval de 5 ans bien sonnés, alimentation pauvre, étroit devant. Logiquement, vous devriez le nourrir comme un adulte puisque vous êtes sorti des phases de croissance et admettre qu’il aura toute sa vie une capacité thoracique plus limitée que celle qu’il aurait dû avoir voire penser que c’est sa morphologie naturelle.
Cependant, il est possible qu’il vous reste encore une carte à jouer. Si tout n’est pas définitivement figé, vous pouvez le considérer non à son âge réel (5 ans) mais à l’âge que vous supposez de ses os (croissance en hauteur en gros faite mais croissance en largeur à venir soit environ 3 ans) et l’alimenter comme tel.
Si vous avez la chance qu’il ait simplement différé sa croissance, il va au bout de quelques mois d’une alimentation au top (pour un trois ans), la relancer et la faire de façon beaucoup plus tardive mais complète.
Belle capacité d’adaptation naturelle à des périodes de vaches maigres.
Vous pouvez avoir le même phénomène sur une chatte d’élevage de 4 ans donc tout à fait adulte ayant enchaîné les maternités ou sur une chatte sauvage pour les mêmes raisons. Elle peut très bien après castration vous reprendre une croissance qu’elle avait simplement mise entre parenthèses pour assurer ses lactations et la vie de ses petits.
Évidemment, comme tout phénomène adaptatif, celui-ci a des limites et il serait vain d’espérer une croissance sur un cheval de 10 ans ou un chien de 6 ans.
Mais cela veut dire que lorsque vous récupérez un animal quel qu’il soit, il faut toujours se poser la question de « quel âge je lui donnerais ? » Cela va vous donner une idée du stade de développement où il est. Si ce stade correspond à son âge réel, aucun problème, vous l’alimentez et le soignez en fonction de cet âge sans vous poser de questions métaphysiques.
Mais si vous avez une distorsion entre l’âge morphologique et l’âge réel, il est parfois intéressant de baser votre alimentation sur l’âge morphologique, histoire de rattraper les retards de développement.
Ainsi méfiez-vous du jeune « craquant » avec une « tête de bébé » et des « grands yeux » à un âge où les autres font plus « grands » moins « mignons ». En vous souvenant que les premières phases de croissance sont sur la tête et les pattes, voyez s’il a gardé des membres de bébé ou déjà pris des proportions plus « adulte ». Regardez aussi le schéma général du corps.
Et rappelez-vous qu’il est inscrit dans nos gènes de fondre pour des traits juvéniles, il y va de la survie de l’espèce… et que donc lorsqu’on fond trop sur un animal adulte, cela peut être mauvais signe.
C’est particulièrement vrai si vous récupérez un animal d’association, dont vous ne connaissez pas le passé et dont vous avez toutes les raisons de penser qu’il n’a pas été bien fameux. Mais c’est aussi vrai malheureusement, de certains animaux que l’on trouve sur le marché sevrés trop tôt et vendus par des personnes qui n’ont d’éleveurs que le nom.
Vous pouvez aussi avoir ce phénomène sur les « culots de portée », le plus petit qui étant plus faible que ses frères et sœurs, n’a eu accès qu’aux mamelles les moins productives.
Si vous n’arrivez pas à regarder votre animal sans sentiments et le voir avec des yeux objectifs, soit vous demandez à quelqu’un d’autre, soit vous prenez une photo « moche » : animal debout de profil, de dos, de face, sans aucune préparation et sans qu’il s’occupe de vous. Sur une photo vous pourrez plus facilement oublier que c’est votre compagnon de cœur pour le regarder avec la distance nécessaire.
Et comme souvent, la prise de conscience d’un problème, c’est déjà une bonne moitié de la solution.
Catherine Kaeffer
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