Sevrer un ânon : quelle stratégie alimentaire ?
Toute modification alimentaire demande une adaptation de la part du système digestif. Cette adaptation se fera au niveau des enzymes de l’intestin grêle et/ou au niveau de la flore du gros intestin selon le ou les nutriments concernés par la modification.
Ça, c’est le cas classique.
Mais pour l’ânon vont se poser des problèmes particuliers.
Au niveau de la digestion dans l’intestin grêle :
Il ne développe dans un premier temps que les enzymes nécessaires à la digestion du lait : protéases, lipase et surtout lactase. Pas d’amylase.
Il ne développera sa production d’amylase que lorsqu’il rencontrera de l’amidon. Autrement dit lorsqu’il commencera à manger des céréales.
Il est donc essentiel de ne les proposer d’abord qu’en très petite quantité car l’organisme doit mettre en place de nouvelles voies métaboliques via de nouvelles enzymes. Si la quantité est trop importante, elle débordera les capacités de traitement entraînant des problèmes digestifs ou métaboliques. Petit à petit, par anticipation, l’organisme produira les enzymes adéquates en plus grand nombre, en vue d’une prochaine digestion, et ainsi de suite jusqu’à pouvoir assumer une ration entière.
Au niveau de la digestion du gros intestin :
Le tube digestif de l’ânon, stérile à la naissance, est progressivement colonisé par les nombreuses espèces bactériennes avec lesquelles il entre en contact, via sa mère et son environnement. Cet envahissement permet l’établissement de la flore cellulolytique nécessaire à la digestion fibres. L’évolution de la fonction digestive se fait également par la consommation croissante d’aliments solides. L’ânon les introduit progressivement dans son régime, d’abord pour imiter sa mère, puis pour couvrir ses besoins nutritionnels.
Ce processus est très progressif et le gros intestin se développe surtout à partir de 12-18 mois au cours de la seconde saison de pâturage suivant la naissance. Avant, la capacité de digestion des fourrages grossiers est limitée.
Besoins
Les besoins de croissance sont d’autant plus importants que la taille adulte sera élevée. En effet, les ânes quelle que soit leur race, arrivent tous à leur poids adulte en même temps. Cela signifie que plus l’animal sera grand, plus il aura une croissance rapide et donc plus les erreurs alimentaires dans cette phase de la vie auront des conséquences sur sa santé. Après le sevrage, l’ânon est en pleine croissance et doit couvrir la totalité de ses besoins avec une alimentation solide sans le garde-fou du lait.
Conséquences :
1. Sevrage tardif (vers 18 mois)
A cet âge, l’ânon a acquis sa capacité à digérer les fibres. Néanmoins des études ont montré que le pâturage seul n’est pas suffisant pour couvrir les besoins d’un ânon en croissance. Il lui faut donc une alimentation complémentaire et un complément minéral vitaminé. Mais s’il ne les a pas, comme il est déjà relativement âgé, cela le pénalisera moins qu’avec un sevrage précoce… même si cela le pénalisera tout de même un peu.
2. Sevrage 6 mois avec apport de concentré avant et après sevrage
A partir de 4 mois environ, le lait n’est plus suffisant pour soutenir la croissance de l’ânon. L’aliment a été introduit progressivement au fur et à mesure des besoins. L’ânon le jour du sevrage a donc une amylase fonctionnelle. Mieux, il peut avoir été habitué à un aliment « poulain de moins de 1 an » contenant des protéines de lait qui compenseront partiellement le manque. Il mange du foin et de l’herbe et donc a commencé à développer son gros intestin même s’il ne sera vraiment efficace que vers 18 mois. En attendant, le concentré prendra le relais. Le sevrage a toutes les chances de se passer les doigts dans le nez.
3. Sevrage 6 mois sans apport de concentré avant sevrage mais avec apport après sevrage
Au jour du sevrage, l’apport de lait auquel l’organisme de l’ânon est adapté cesse brusquement. Il n’est pas possible de lui apporter l’équivalent en concentré même en utilisant un granulé « poulain de moins de 1 an » car il ne serait pas capable de le digérer. La mise en place doit donc être progressive sur 2 à 3 semaines, pendant lesquelles la croissance du poulain souffrira. Ceci étant, il arrivera à rattraper si l’alimentation est bonne par la suite. Mais cela augmentera forcément le stress du sevrage et partant le risque d’apparition d’ulcères ou de tics.
4. Sevrage 6 mois en été avec uniquement de l’herbe riche et abondante
On supprime le lait. On apporte uniquement un fourrage assez riche en cellulose. Mais si l’herbe est riche, que la quantité disponible est suffisante pour que l’ânon puisse sélectionner les meilleurs morceaux, l’herbe effectivement ingérée sera relativement bien pourvue en protéines et pauvre en fibres. Néanmoins, l’ânon ne peut pas encore digérer correctement la cellulose ce qui fait qu’il n’aura accès qu’à une partie de ces nutriments. Pour compenser, il cherchera à augmenter le plus possible sa consommation. De ce fait, il acquérra un ventre proéminent par augmentation du volume digestif.
Rappelons que les études ont montré que la croissance de l’ânon ne pouvait pas être optimale sans un apport d’aliment.
5. Sevrage 6 mois en hiver avec du foin (ou en été en cas de sècheresse estivale ou de pâture peu productive)
Plus de lait, pas d’amidon ni de matière grasse, et un fourrage peu abondant et/ou riche en fibres. Dans ces conditions, en pratique, le sevrage de l’ânon va engendrer des problèmes encore plus importants en période hivernale où la pâture est peu abondante ou bien en période estivale si la surface de pré est trop limitée. Si la période d’alimentation insuffisante est trop précoce, avec un déficit trop important, la croissance finale en sera diminuée et la santé de l’âne comme sa longévité en souffriront.
Catherine Kaeffer
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MAJ Août 2021