Déjections, hétérogénéité du pâturage et refus

Publié le par Catherine Kaeffer. Alpha et Oméga

De nombreuses études montrent que la distribution des déjections n’est pas uniforme sur la parcelle, principalement du fait du comportement des animaux qui créent spontanément des chemins, des lieux de repos, des zones d’activité. Une grande partie des déjections se trouve autour de points d’attraction et dans des zones de rassemblement au sein de la prairie : près de points d’eau, à l’abri sous les arbres, à côté de l’entrée de la parcelle, en zone plate ou sur les crêtes des parcelles en pente.

Forcément, qui dit zones à crottins et zones sans crottins, dit apport de nutriments inégaux pour les plantes avec une accumulation à certains endroits dans la parcelle et un risque plus élevé de pertes de nutriments par lessivage. Le potassium et le sodium qui sont solubles, vont rapidement passer dans le sol ou être lessivés. Le phosphore qui est peu soluble aura besoin de l’action de la faune du sol.

Cette distribution est d’autant plus hétérogène que le chargement est faible (peu d’animaux par ha à un instant t) dans des grandes parcelles ou à fortiori dans des systèmes de pâturage en continu.

Les chevaux sont connus pour entretenir par le pâturage des zones d’herbe rase au sein des parcelles et pour éviter les zones d’herbes hautes où ils concentrent leurs déjections. Ce comportement a longtemps été expliqué par une stratégie anti-parasitaire, mais des travaux récents suggèrent que les caractéristiques nutritionnelles de l’herbe pourraient l’expliquer et que la limitation du parasitisme ne serait qu’une conséquence. En effet, les repousses rases sont très riches en protéines et ce serait cela que le cheval recherche avant tout.

On a donc par broutage prélèvement de « matériaux végétaux » dans les zones rases et restitution par les chevaux de matériaux végétaux digérés et de graines via les crottins dans les zones qui vont devenir à refus. Il y a donc un déplacement de fertilité à l’intérieur de votre pré, les zones préférées devenant de plus en plus pauvres et les zones refusées de plus en plus riches.

L’augmentation de la production à proximité des déjections s’applique à une surface importante (deux à cinq fois celle de la déjection) et peut persister plusieurs années. 

Le crottin va étouffer l’herbe sur laquelle il tombe en la privant de lumière et en l’écrasant sous son poids. Mais sa présence va « protéger » l’herbe de la zone environnante de toute consommation. En outre, il va lui fournir de quoi pousser. Donc dans un premier temps, c’est bien le crottin qui fait le refus.

On obtient donc :

  1. Un trou dans la végétation juste sous le crottin
  2. Une zone d’une dizaine de cm autour où l’herbe est très fertilisée par le crottin et non consommée
  3. Une zone d’une trentaine de cm autour où l’herbe est fertilisée et un peu consommée
  4. Une zone non impactée par le crottin

Petit à petit, les zones de refus n’étant pas consommées, des plantes de plus en plus hautes vont se développer : plus hautes, plus vieilles, moins consommables. Dans un deuxième temps, le crottin a disparu. Mais les plantes présentes étant peu appétentes, elles sont de toutes façons peu recherchées par les chevaux qui les laissent tranquilles. Si elles sont assez hautes, le cheval va même éviter de marcher dessus, il va les contourner et crottiner à côté puisque c’est sa zone.

Ce phénomène explique qu’inexorablement la part de refus augmente dans une pâture.

A noter qu’il existe aussi des zones où les déjections sont tellement abondantes qu’elles détruisent carrément la flore en dessous. Ce sont souvent les zones de repos qui en outre souffrent d’un piétinement constant. Dans cette situation, la recolonisation par des plantes est très aléatoire. Si elle apparaît ce sera en favorisant les espèces nitrophiles (gourmandes en azote) comme le chiendent ou l’Agrostis stolonifère, qui auront les moyens de percer la croûte de terre, de résister au piétinement et qui seront peu appréciées du cheval.

Pour limiter les refus, plusieurs stratégies sont possibles :

L’alternance fauche pâturage permet non seulement de donner aux crottins le temps de disparaître mais aussi d’éviter l’apparition de plantes non consommables du fait de leur hauteur ou de leur dureté. En outre, elle permet aux zones surpâturées de repousser.

Une simple fauche des refus sans être aussi efficace a l’avantage de limiter l’extension des zones.

Il est aussi possible en pâturage tournant de faire une répartition des crottins, juste après la sortie des chevaux pour limiter l’hétérogénéité.

Sur de petites surfaces, un engrais complémentaire peut être apporté à la main, sur les zones rases pour rééquilibrer la disponibilité des minéraux.

Pour les zones piétinées, battantes, le fait de casser la semelle de terre, facilite la pénétration de l’eau et la recolonisation.

Un nombre d’animaux important pendant un temps court sur une surface limitée permet de « nettoyer » la parcelle. Quelques bémols cependant : Il faut que ce soit des chevaux relativement rustiques et à faibles besoins. Il faut que les crottins ne soient pas trop frais pour ne plus sentir. Enfin, dans ce cas, il est indispensable de bien vérifier l’absence de plante toxique.

Le pâturage mixte bovin équin présente l’avantage que les bovins ne sont pas rebutés par les refus des équins (et vice versa). En outre, la stratégie de consommation de l’herbe n’est pas la même. Les bovins du fait de leur absence d’incisives à la mâchoire supérieure, ne pâturera pas sur les zones les plus rases préférées par les chevaux mais consommera les zones hautes.

Catherine Kaeffer

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MAJ 30/7/21

Crottin. Techniques d'élevage. Tous droits réservés

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