Nourrir mon poulain de 6 mois seulement avec de l’herbe, est-ce possible ?
Vous venez d’acheter un poulain. Il a entre 5 et 6 mois…
S’il est né en mars, nous sommes donc au mois de août.
S’il est né en juin, nous sommes au mois de novembre
Pouvez-vous le mettre simplement au pré sans lui donner de complémentation ?
Remarque : je ne parle pas des apports de minéraux sous forme de complément ou de pierre à lécher qui sont de toutes façons indispensables, mais de granulés ou de céréales en plus de l’herbe.
Pour répondre à cette question, regardons ensemble les chiffres :
Vous avez un pré, non semé, bref une prairie naturelle de plaine. Voici ce qu’elle apporte à votre poulain :
Mois |
herbe |
MS |
UFC/kg |
MADC g/kg |
Août |
3e cycle 6 semaines |
16 % |
0,125 |
20 |
Novembre |
Herbes résiduelles d’automne |
20 % |
0,118 |
6 |
MS = teneur en matière sèche
UFC/kg = unité fourragère cheval par kg d’herbe
MADC g/kg : g de matière azotée digestible cheval par kg d’herbe
Maintenant, voyons les caractéristiques de votre poulain : S’agit-il d’un poney type dartmoor, d’un selle français ou d’un trait breton ?
|
Poney |
Selle Français |
Trait Breton |
Poids adulte |
200 |
500 |
800 |
Vitesse de croissance à 6 mois |
300 g/j |
700 g /j |
800 g / j |
Poids à 6 mois |
100 kg |
220 kg |
400 kg |
Besoins en UFC |
2,8 |
5,4 |
6,5 |
Besoins en MADC |
462 |
490 |
660 |
Maintenant, combien mon poulain devra-t-il manger d’herbe pour pouvoir couvrir ses besoins en énergie (UFC) et en protéines (MADC) ?
1er cas : Mon poulain est né tôt dans l’année. Il a donc 6 mois en été.
Quantités nécessaires |
Poney |
Selle Français |
Trait Breton |
Herbe d’été |
|
|
|
Besoins en UFC |
22 kg |
43 kg |
52 kg |
Besoins en MADC |
23 kg |
25 kg |
33 kg |
Quantités maximales |
20 kg |
32 kg |
50 kg |
Quantités maximales = 85 à 100 g MS / kg poids métabolique
Petite explication de ce tableau :
Dans le cas d’un poney, s’il mange 23 kg d’herbe par jour et en supposant qu'il la digère avec les mêmes capacités qu'un adulte, ce qui est loin d'être le cas, il aurait suffisamment d’énergie et de protéines. Or, il peut au maximum manger 20 kg d’herbe par jour. Donc il ne peut pas être alimenté correctement.
Dans le cas d’un cheval de selle, il faudrait qu’il mange 43 kg d’herbe d’été pour couvrir ses besoins en énergie. Or, il ne peut manger que 32 kg. Donc, un poulain SF en pleine croissance ne peut se contenter d’herbe l’été, il lui faut absolument autre chose à se mettre sous la dent !
Dans le cas de notre trait breton, il est capable de manger beaucoup plus. Donc on pourrait penser, si on se contente des chiffres que cela pourrait convenir. Malheureusement, la flore bactérienne n'ayant pas eu le temps de se mettre en place, la digestion de l'herbe sera mauvaise... et le poulain accusera un retard de croissance.
2e cas : Mon poulain a 6 mois en automne
Maintenant, si mon poulain est né plus tard, lorsqu’il aura 6 mois, nous serons déjà en automne. Or l’herbe d’automne est très pauvre en MADC (si, si, regardez le premier tableau, on est passé de 20 g/kg en été à un malheureux 6 g/kg en automne !).
Quantités nécessaires |
Poney |
Selle Français |
Trait Breton |
Herbe d’automne |
|
|
|
Besoins en UFC |
24 kg |
46 kg |
55 kg |
Besoins en MADC |
77 kg |
82 kg |
110 kg |
Quantités maximales |
16 kg |
26 kg |
40 kg |
En regardant ce tableau, quelques conclusions s’imposent :
Aucun poulain ne peut se suffire d’herbe. Tous maigriront. Et à cet âge-là, un peu ça va, beaucoup, bonjour les dégâts !
Comme d’habitude, c’est le poulain de selle qui est le moins bien loti. Il ne peut couvrir que la moitié de ses besoins en énergie et le quart de ses besoins en protéines. Si on le maintient à ce régime, il va souffrir, ralentir sa croissance et il s’en ressentira pendant toute sa vie.
Le poulain de trait s’en tire mieux car il est d’un tempérament plus calme et que comme il est plus gros, il peut absorber de grandes quantités et il dépense proportionnellement moins d’énergie pour se chauffer. Ceci étant, comme ses besoins de croissance sont importants, il va la ralentir nettement.
Le poney lui est adapté génétiquement à tirer le meilleur parti des pâturages pauvres et de plus sa croissance est lente. Il va donc souffrir mais plutôt moins même s'il ne faudra pas compter sur une croissance normale.
Quel que soit le poulain, ce qui pêchera le plus, c'est sa capacité à digérer la cellulose, mais aussi la teneur en protéines (et encore, je ne vous parle même pas de la qualité des dites protéines !). Or pour faire des muscles, il faut des protéines. Si un poulain est élevé dans de telles conditions, il y a fort à parier qu’il n’aura jamais les qualités sportives que sa génétique pouvait laisser espérer.
Alors, si vous voulez un compagnon qui vous emmène tutoyer les étoiles, vous pouvez peut-être faire des économies en ne le choisissant pas avec des origines dignes des plus grands internationaux… mais sûrement pas sur sa nourriture.
Catherine Kaeffer
Cet article a été rédigé par un membre de l'équipe de Techniques d'élevage. Retrouvez tous nos articles sur http://www.techniquesdelevage.fr ou http://anneetcat.wix.com/techniques-elevage.