Mettre un cheval à la diète, c’est barboter dans la nitroglycérine !
Lorsqu’un cheval est malade, on a envie de le mettre à la diète.
Et oui, on le fait facilement pour notre chien.
On le fait pour nous.
Alors on le fait pour notre cheval.
Sauf que le chien, c’est un carnivore qui se nourrit avec un seul gros repas par jour et une digestion essentiellement enzymatique. Il est fait pour capturer une grosse proie, s’en goinfrer autant que faire se peut et rester ensuite un bon moment à digérer. Bref, repas importants suivis d’un jeune assez long. La diète ne lui pose aucun problème.
Nous déjà, il nous faut peu ou prou trois repas. Mais notre régime omnivore et notre digestion enzymatique s’adaptent bien à ce type de choses. Néanmoins, à un repas par jour, on se sent un peu faible… alors que pour notre chien, tout va bien. Nous sommes adaptés à des repas assez copieux mais répartis au cours de la journée. La diète est possible pour nous.
Notre cheval a une alimentation quasi continue. Il fait de multiples petits repas toute la journée. Jamais de grands volumes (par rapport à son poids) mais tout le temps. L’herbe ne doit pas se chasser comme une proie, elle est plus ou moins toujours présente.
Sa digestion est adaptée à cet état de fait. Elle est en partie enzymatique dans l’intestin grêle et en partie microbienne dans le gros intestin. C’est cette partie microbienne qui permet au cheval de digérer la cellulose de l’herbe. Sinon, il serait comme nous, il ne la digérerait pas et ne pourrait donc pas se nourrir de fourrage.
Qui dit digestion microbienne, dit flore du même nom. Des bactéries notamment qui sont là pour faire digérer le cheval. La nourriture arrive en quasi continu. Elles se développent dessus. Elles digèrent. Elles produisent des acides gras volatils, des protéines, de l’urée, des vitamines B. Tout va bien !
Vous mettez le cheval à la diète mais pas que lui. Rapidement, pour les bactéries, c’est la famine. Elles manquent de substrat et elles meurent en d’autant plus grand nombre que la diète se prolonge. En mourant, elles relarguent des toxines.
Donc si vous vous mettez à la diète, vous n’avez plus d’arrivée de nutriments et vous devez prendre sur vos réserves, un point c’est tout. Si vous mettez votre cheval à la diète, vous le privez de ses nutriments certes, mais vous lui « envoyez » sans le vouloir des toxines dans le sang. Pas forcément une bonne idée pour un cheval déjà forcément patraque.
Un cheval c’est un fermenteur, comme pour la fabrication de la bière ou celle du compost. À l’intérieur, c’est un écosystème. Il faut installer petit à petit une flore qui est en équilibre avec les éléments qu’on apporte.
Si vous changez brusquement d’apports dans votre fermenteur, le système se dérègle et la fermentation ne se passe pas bien, produisant des résultats non attendus, des putréfactions, des gaz. Si tout à coup, le substrat est épuisé, le système s’arrête lentement par la mort des bactéries et il vous faudra beaucoup de temps pour relancer la chose.
Donc, lorsque l’urgence passée, vous voudrez realimenter votre cheval, les bactéries ne seront plus là pour digérer la cellulose. Donc la nourriture qui arrivera ne sera plus digérée et vous avez toutes les chances que votre cheval fasse une colique.
Si tout se passe bien, il faudra 10 jours pour que vos bactéries reprennent du poil de la bête… à condition que vous n’en ayez pas flingué trop. 10 jours, c’est long.
C’est pour cela que nos anciens, lorsqu’ils mettaient un cheval à la « diète », le mettaient à un régime « foin de pré léger », c’est-à-dire un foin peu riche en énergie et en matières azotées qui s’il nourrissait peu le cheval apportait quand même les fibres qui permettaient d’alimenter les bactéries et de maintenir le système dans un équilibre relatif.
En outre, ils réintroduisaient les céréales très progressivement car si les bactéries cellulolytiques avaient été préservées par le foin léger, les bactéries amylolytiques elles avaient souffert.
Donc on ne met pas un cheval à la diète, sauf urgence type colique ou obstruction oesophagienne… ce n’est pas la peine d’aggraver encore le phénomène.
Si cela ne dure que quelques heures (au maximum 12), ce n’est pas trop grave. Au-delà, on prend de réels risques dont il faut être sûr qu’ils sont justifiés et un avis vétérinaire est nécessaire.
Donc, si votre cheval fait une fièvre, un rhume, un peu de température, est un peu patraque mais sans signe de coliques, ne le mettez jamais à la diète. C’est lui faire courir un risque réel, patent… et totalement inutile.
Catherine Kaeffer
Découvrez le poster sur La flore digestive intestinale du cheval réalisé par TE
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