Un retard de croissance sur un poulain : est-ce rattrapable ?
Lorsqu’on récupère un poulain en mauvais état, on se demande toujours si cela est rattrapable, si finalement ce poulain mal en point pourra faire un cheval en bonne santé, s’il ne restera de cette période de sa vie qu’un mauvais souvenir, ou s’il sera toujours « une bête à misères » allant de pépin en pathologie.
Si cette question est légitime, la réponse n’en est pas moins complexe… et hasardeuse.
En gros, cela dépend de :
- La nature du problème : pathologie, accident, simple erreur ou maltraitance
- Son importance
- L’âge du poulain au moment où cela s’est passé
- La durée de la période problématique
- Le potentiel de croissance du poulain
- Et… l’âge du capitaine, autrement dit tous les facteurs individuels ou environnementaux que vous ne connaissez pas.
La nature du problème qui a engendré le retard de croissance est importante à connaître. Supposons un poulain qui a eu un accident, qui a souffert mais des soins vétérinaires attentifs ont résolu le problème. Il peut tout à fait récupérer le retard. Par contre, certaines pathologies vont avoir des répercussions sur la croissance qui seront définitives. Dans ce cas, il est tout de même possible d’espérer avoir un adulte plus petit que prévu mais en pleine santé. Votre vétérinaire pourra vous faire un pronostic.
Par contre, si vous récupérez un poulain qui a été mal nourri pendant le début de sa vie, il sera important d’évaluer le retard de croissance. Un peu ça va, beaucoup bonjour les dégâts ! Sur un poulain destiné à faire 550 kg de poids adulte, un retard de 80 kg à 18 mois est inquiétant.
L’âge du poulain est important. La croissance n’est pas une simple augmentation de poids ou de taille. Elle correspond aussi à la mise en place d’un organisme, de systèmes selon un plan bien établi et une succession de phases programmées au niveau génétique et qui sont somme toute assez immuables.
L’impact d’une dénutrition portera sur les structures qui sont en train de se développer à cet âge. Si vous avez un déficit minéral majeur au moment de l’ossification, vous pouvez avoir des conséquences importantes sur ce point alors qu’une autre structure qui s’est mise en place avant ne sera pas forcément touchée. Bien sûr, si vous rééquilibrez la ration, l’organisme va reminéraliser ses os et essayer de corriger de son mieux. Mais si vous avez déjà une souris articulaire qui se balade dans une articulation, elle y restera. Si vous avez déjà eu une fracture spontanée, elle peut être réparée mais cela prendra beaucoup de temps et le résultat n’est pas certain. Si la structure d’un tendon est trop fragile, la reprise de la croissance peut le mettre à mal.
Le jeune âge est aussi une période où se mettent en place les structures nerveuses et le cerveau. Une restriction alimentaire dans cette période peut donc impacter lourdement le développement du cerveau entraînant une modification des capacités cognitives et du comportement définitive. C’est ainsi qu’on peut avoir un animal « simplet », qui a du mal à mémoriser, voire carrément idiot, qui n’arrive pas à interagir correctement avec les hommes comme avec les autres chevaux, qui n’est pas dressable parce qu’il ne comprend pas, qu’il ne mémorise pas les exercices. Ce sont souvent des chevaux très gentils mais « contemplatifs ».
Évidemment, plus la période de restriction a duré longtemps, plus elle a impacté profondément et durablement le développement. Et plus les structures qui ont souffert seront nombreuses. Pensez dans votre analyse au fait que si le poulain est dans cet état, peut-être que la mère a elle aussi souffert. Dans ce cas, in utero ou en lactation, elle n’a déjà pas pu apporter à son poulain le meilleur. On peut ainsi avoir des animaux qui ont toujours été carencés, dès la conception.
D’autre part, plus le nombre de structures touchées est important, plus les interactions entre elles sont nombreuses et complexes. Ainsi, si vous avez des carences in utero qui font que le tube digestif ne s’est pas développé correctement, lorsque vous essayerez des mois voire des années plus tard de réalimenter le poulain, il ne digérera pas normalement et il peut ne pas le supporter.
De façon générale, plus le poulain est destiné à devenir grand et lourd, plus les conséquences d’une sous-nutrition seront importantes. On a tendance à penser que les poulains de trait sont plus « rustiques » et donc moins exigeants que les poulains de selle. C’est tout le contraire qui se passe. Leur croissance étant importante, vous avez plus facilement des retards de développement et ils seront plus sévères.
Un rattrapage, une réparation, c’est de toutes façons moins bien qu’un développement normal. Comme dirait Bourvil, « elle va marcher maintenant beaucoup moins bien forcément. ». On est content quand le poulain reprend du poids et de l’état. On a l’impression que le problème est résolu. Mais sur le long terme, une sous-nutrition jeune peut avoir des conséquences sur le comportement adulte. On peut avoir ainsi un cheval boulimique, qui ne sait pas se réguler et qui va manger de façon compulsive. On peut avoir des maladies métaboliques. On peut aussi et c’est fréquent avoir un cheval qui vieillira plus vite et mal.
D’où l’importance primordiale de l’alimentation et du suivi vétérinaire dans le jeune âge.
Catherine Kaeffer
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