Les carences en cuivre chez les équidés
Autant parfois la nutrition équine peut s’apparenter au casse-tête chinois, autant il y a des cas où elle est délicieusement simple et où il est finalement assez facile de jouer au Grand Manitou qui parle à l’estomac des chevaux et lit l’avenir dans le foin.
Imaginez un instant que votre voisin (collègue/ami/vague connaissance) vous parle de ce qu’il donne à son cheval (jument/poulain/poney/âne) et vous disant que chez lui, c’est tout du bon, tout du naturel et qu’il donne de l’herbe, du foin, des céréales… et jamais de granulés ou de floconnés.
D’un petit ton plus innocent que celui de l’agneau qui vient de naître, vous vous enquérez discrètement de ce qu’il donne comme minéraux.
La réponse vient de suite : aucun. Une vague pierre à sel blanche ou de l’Himalaya, un point c’est tout… rien de chimique…
Alors, vous prenez un air inspiré, vous froncez les sourcils, vous regardez le cheval en plissant les yeux, vous hochez la tête d’un air entendu… c’est sûr dans votre crâne, les neurones sont en train de mener une danse endiablée pour compulser des milliers de chiffres, de tableaux, de graphiques… de la puissance intellectuelle à l’état pur, je vous dis.
Puis vous sortez l’oracle façon pythie : « votre ration est carencée en cuivre. »
Avec une affirmation pareille, soit on vous prend pour un doux taré, soit pour un sorcier…
Mais en fait, comme lorsque le magicien sort le lapin du chapeau, c’est tout du trucage.
Vous savez que la ration est carencée en cuivre… parce qu’il ne peut pas en être autrement.
Pourquoi ?
Regardons les besoins en cuivre d’un cheval de club type : 500 kg, un travail léger, une ration avec une part importante de fourrage.
Il peut ingérer 12,5 kg de matière sèche par jour et il a besoin de 113 mg de cuivre. Donc il faut qu’en moyenne sa ration contienne 9 mg de cuivre par kg de matière sèche (Cu/kg MS).
Voyons maintenant les teneurs en cuivre des principaux aliments du cheval :
- Herbe pâturée : entre 5,0 et 7,4 mg de Cu/kg MS
- Foin de pré : entre 4,9 et 7,5 mg de Cu/kg MS
- Paille : 3,1 mg de Cu/kg MS
- Avoine : 3,4 mg de Cu/kg MS
- Maïs 2,1 mg de Cu/kg MS
- Orge 10,3 mg de Cu/kg MS
- Luzerne : 5,5 mg de Cu/kg MS
- Pulpe de betterave : 3,4 mg de Cu/kg MS
Vous constatez qu’à part l’orge, tous les autres sont en-dessous. Comme il n’est pas possible d’alimenter un cheval rien qu’avec de l’orge, vous êtes tranquille, le compte n’y est pas. Le régime sera forcément carencé.
Et comme tout magicien, vous avez quelques cartes dissimulées dans votre manche : si les besoins stricts estimés par l’INRA comme par le NRC tournent autour des 10 mg, Wolter lui préconise des apports de l’ordre de 25 mg… c’est dire si vous avez de la marge !
Mais s’il ne s’agit pas d’un cheval de club mais d’une poulinière ou d’un poulain de 2 ans ?
Cela marche aussi : Pour la jument allaitante, 500 kg au 2e mois, comme pour le poulain de 18-24 mois, le besoin est de 11,3 mg/kg de MS.
Là, même l’orge n’arrive pas à suivre. Cela explique en partie la fréquence des problèmes d’ostéochondrose redoutés des éleveurs. La carence en cuivre en est un des facteurs explicatifs et sans une complémentation minérale, elle est inéluctable.
Si le voisin vous rétorque qu’il n’a pas un cheval mais un poney, donc rustique… et bien votre raisonnement marche aussi.
Si ce poney fait 200 kg, son besoin total est moins grand certes, mais il mange moins. Ses besoins sont donc aussi de l’ordre de 10 mg de Cu/kg de MS. Et si c’est un deux ans, on monte même à 11 mg.
Même cause, même punition.
Et pour l’âne ?
Pour l’âne, les besoins sont de 20 mg de cuivre par 100 kg de poids vif (pour tenir compte des variations de poids entre les différentes races). Il mange 1,5 kg de MS par 100 kg de PV. Il lui faut donc une concentration en cuivre de13 mg/kg de MS.
Le fait qu’un animal soit rustique signifie que des fourrages pauvres lui conviennent bien… pauvres en énergie mais pas en minéraux.
Et pourquoi cela ne marche pas si le cheval reçoit des granulés ou des floconnés ?
Parce que la plupart sont supplémentés en minéraux. Tout dépend donc alors de la quantité distribuée et du niveau d’ajout de cuivre… et là, plus moyen de rouler les mécaniques à peu de frais. Si vous voulez avoir une idée de ce que vaut la ration, il vous faudra saisir votre calculette… et faire marcher réellement vos neurones.
Parfois, la vie est dure…
Catherine Kaeffer
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